mercredi 10 décembre 2008

Le saut

« Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… ». Saut dans le vide. Les verrous de sécurité ont lâché, voici venu le temps de la chute. Profonde incertitude. Personne pour dire : « Oui, alors la chute va durer dix secondes, trois minutes, cinq heures, vingt jours ou deux ans… ». Ni pour savoir où je vais atterrir ? Sous quelle forme ? Et si même il y a un sol ! Que dalle, nada, niente. Dépression. Etrange sentiment alors que tout, à l’extérieur, semble calme, sans danger qui menace. Tout est bien là, le monde , cahin-caha : les gens, les immeubles, les occupations, les mines grises, les rires rares, le froid… Normal. Mais, lancinante, revient la phrase : « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… » Témoignage d’un doute, d’une menace invisible qui ne lâche pas. Dans cette journée où le soleil pointe son nez, je perçois, comme sous le voile, une dimension plus sombre où se tapit le sans forme : dissolution, perte, folie, mort. Mots redoutables et pourtant leur existence même repousse encore l’inéluctable … Le saut dans le vide. Tôt ou tard, sans aucun choix possible sinon de fuir la peur qui colle comme une ombre, se laisser tomber dans la nuit de l’âme où l’on ne sait plus rien.

mercredi 3 décembre 2008

Un incroyable voyage en Afrique depuis votre canapé avec « Ebène, aventures africaines » de Ryszard Kapuscinski.

Je referme le livre de Ryszard et l’envie me vient de chroniquer ce chroniqueur journaliste polonais, à la plume précise comme l'arête d'un diamant. Loin, très loin des idées reçues et rabâchées par les JTs, son regard, tour à tour stupéfait, horrifié, bouleversé ou ému, embrasse faits historiques, politiques et socials pour chacun des trente pays africains où il a traîné ses basques quelques quarante années. Au départ d’anecdotes personnelles, il réussit à capter des dimensions sur et sous humaines, qui font frémir. Car ce n’est pas depuis des hôtels de luxe qu’il écrit mais au cœur d’un tourbillon de vie et de mort, depuis les lieux pouilleux des villes ou des ruines ensablées d’un village, se frottant au plus près de l’horreur que vivent les africains depuis le choc frontal de l’apparition de l’homme blanc sur ce continent. Beauté et misère de ces peuples, paysages grandioses où règne encore l’animal sauvage, climat terrifiant et impitoyable, guerres fratricides et soif de pouvoir, mystère et mythologies, ... De la poésie à hauteur d’homme, c’est magnifique ! Allez-y, partez en voyage …

samedi 29 novembre 2008

Le sentiment de solitude

Se sentir seul(e), chez soi ou dans les rues, c’est se représenter coupé de Dieu et des hommes alors que réellement, c’est de soi-même que l’on est séparé. En fait, sous le sentiment de solitude se cache, comme dans ces poupées russes, un autre sentiment, celui de l’abandon qui lui-même contient la peur, celle de la disparition. Le mental opère cette coupure. Flot de questionnement: « Personne à mes côtés, pourquoi ? Ne suis-je pas aimable, fréquentable ? Quelle infamie ais-je commis ?»
Pour fuir ces questions, le plus souvent, la tentation est là de s’entourer d’amis, d’occupations, de distractions et, ou, de fidèles mais trompeurs alliés que sont l’alcool et les drogues consommées à l’excès…
Pourtant, un jour ou l’autre, ou peut-être jamais pour certains êtres exceptionnels, le sentiment de solitude surgira avec son implacable questionnement. Un jour, voilà, ça y est, j’ai tout fait pour ne pas la connaître, mais la voici, la profonde solitude. Que faire ? La fuir ou y faire face ?

Cette journée, je l’ai vécue en proie au sentiment de solitude. Pas d’amis ou de rendez-vous, pas de drogues puissantes, juste quelques cigarettes. Dans ma tête, le mental a tenu de longs discours. Mes divers personnages se sont engagés dans des conversations mornes ou passionnées. J’ai prononcé quelques phrases lors de menus achats, croisé des visages et rencontré des arbres aussi, lors d’une promenade en forêt. La solitude m’a suivie, patiente et souterraine, sachant qu’assurément, à un certain moment, nous allions nous retrouver, seule à seule. Elle a surgit lors d’une séance de cinéma, alors que je tentais de l’éviter. Le héros, confronté à la mort de sa femme, découvre une autre façon de vivre, sans plan, dans l’instant présent. Le film tel un miroir, me confrontait à ma propre vie. J’ai vu que je souffrais encore de ne pas me sentir aimée, de n’être pas plus heureuse, plus jolie, plus entourée. La preuve en était : être là, seule, un samedi après-midi, au cinéma. Puis dans une couche plus profonde, j’ai senti la mort de mon père en moi, la mémoire destructrice qu’il m’avait léguée, qui s’effilochait et se détachait. Je sentais disparaître la haine que je croyais être mienne. Les larmes ont coulés, encouragées par la musique du film, assez sentimentale. Et puis, la fissure du cœur s’est produite ou peut-être est-ce sa dilatation ? L’amour et la beauté de la vie, y compris l’amour et la beauté de moi-même, pour moi-même, telle que j’étais là maintenant, ou serai ou ai été. D’apparence belle, pas belle, seule, pas seule, jeune ou vieille, avec mes (nombreux) défauts et mes (quelques) qualités ; acceptation de « qui je suis » comprenant le lot étiqueté ; Nadine, 42 ans, née à Verviers, vivant à Bruxelles, travaillant à la rtbf, aux cheveux châtains, copine de…, soeur de…, de père appelé…le tout ! Espace de joie et de complétude, sentiment d’unité.
Je suis sortie du cinéma et dans les rues, les pieds bien ancrés dans le sol et pourtant flottants à 2 cm, accompagnées de mes meilleures amies : la solitude et moi.

vendredi 28 novembre 2008

Le sacrifice

Il est là, tapi dans la pénombre, à attendre sa proie. La proie est son plus jeune fils, qui ne peut se soustraire à ses griffes : trop faible, trop petit, dépendant.
L’ogre, la première fois qu’il a tué ce fils, a, le temps d’un éclair, eu le sentiment de déjà vu. Il s’est figé mais il n’a pu retenir l’acte. La faim, trop pressante, lui brûlait les entrailles. Après cette première fois, il a poussé un soupir de soulagement, ce n’était pas si difficile. L’idée était plus insupportable que l’acte, finalement et il s’en étonne un peu. Le voilà délivré, il a perpétué ce qui devait être fait. Le fardeau est maintenant déposé sur les épaules du petit qui survivra tout comme lui, a survécu. La belle affaire! Il n’a pas vraiment honte mais il ne lui faut surtout plus regarder son fils. A cette pensée, son regard s’est, dès cet instant, voilé sur lui.
Le petit ne pleure pas. Lui aussi est soulagé. Il savait que cela arriverait. C’est fait. Groggy, étourdi, le regard voilé lui aussi, il reprend le cours du quotidien. Mais la joie a disparu, le rire sonne faux. Aussi, il se sent comme un fantôme avec ses frères et sa mère. Bien que près de lui, il les sent vivre comme à des kilomètres. Parfois, dans son ventre, surgit une énorme colère, il a envie de tout détruire, y compris et surtout lui-même.
Quelques années plus tard, voilà le fils devenu père. Un verre de bière après l’autre, il noie ces souvenirs que le hantent comme des fantômes. Et aussi cette vie qui part en lambeau tel un vêtement mal rapiécé. Quatre gosses. Des petits animaux à dresser. « C’est moi le maître » se dit-il en recommandant une autre bière. Ce bar qu’il rejoint chaque soir après le boulot, est empli de souvenirs. C’est ici qu’il a grandit, ici qu’il a vu tant de fois son père ivre tangué entre les tables. Dès qu’il le revoit, depuis la caverne aux images, son sang s’arrête, une boule de chaleur envahit sa poitrine, sa gorge se serre, ses poings se crispent. Vite, une gorgée de bière, qui soulage, qui éteint le feu. Une larme perle, il vient de penser à sa mère, dont on disait qu’il était, lui, le dernier, son préféré. Le plus sensible aussi, raillé par ses grands frères.
La petite est dans le fauteuil de la pièce où tous s’entassent. En tant que dernière, elle est la préférée de l’ogre. Une chanson, depuis le poste radio, pousse sa rengaine. Elle se balance, sans arrêt, au même rythme lent. Elle ne regarde personne, personne ne la regarde. Son regard est voilé. Les bruits, les corps lui semblent à des kilomètres. Dans sa bulle, le monde n’existe pas. Elle est seule. La vibration de l’air vient de changer. La porte claque. Il va bientôt être là. Une odeur aigre de bière le précède et annonce le cauchemar à venir. Comme ils le redoutaient, il est saoul. Elle voit les yeux de sa mère, qui disent sa peur. Elle aussi, la petite, a peur. Dès qu’il est là, la violence envahit tout l’espace. Chaque geste, chaque mot d’elle ou de sa mère ou de ses frères et sœur risque de le faire exploser. Risque de coups. Les murs suintent l’angoisse.
Puis elle va se coucher et elle rêve parfois qu’un homme la fouette. C’est agréable mais elle se sent sale aussi. Le plus souvent ces rêves sont peuplés de têtes de morts qui l’appellent et la poursuivent. Elle se réveille en sueur. Elle ne sait plus si elle est vivante ou morte. Elle se rappelle, sa vie, la maison, lui avec ses yeux morts et qui tuent à la fois. Va-t-il venir jusqu'ici ? La peur, à nouveau, pénètre en elle. Un instant, elle voudrait tout quitter, disparaître, mourir. Puis elle se recroqueville et se rendort bercée par les râles asthmatiques de sa sœur. Demain, même si son rire sonne faux, ce sera l’école, la lumière, loin de l’ogre.

mercredi 26 novembre 2008

Une heure à "La Farandole"

En face de moi, douze petites mirettes grandes ouvertes : « Ah te voilà avec tes livres et tes histoires ! » Quelques semaines déjà que je retrouve ces petits élèves de « La Farandole. Leurs mines réjouies augurent du bon moment que nous allons passer ensemble. Dans ce petit coin de l'école qui nous est réservé, avec pour passe magique ces quelques mots sur des pages, quelques jeux de doigts et des chansons, j'ai l'immense privilège d'être à leurs côtés. Je les observe et c’est un régal : petits hommes et petites femmes en devenir... Que de fraîcheur dans ce monde de l’enfance !
On commence à se connaître et je les vois s’ouvrir et laisser apparaître qui ils sont vraiment… Tanita, d’abord timide et silencieuse, lâche peu à peu sa réserve et se découvre jouette et charmeuse. Au contraire de Yousra, la fonceuse, qui se révèle calme et câline. Aujourd’hui, elle manifeste, par une mine boudeuse, son mécontentement : elle n’aime pas trop ce premier livre et d’ailleurs, elle n’a pas tort : il n’est pas bien terrible, trop de longueurs, de détails qui ne font pas forcément mouches. Pour le second qui s’intitule « Devine combien je t’aime », un plus grand, Brian, six ans, s’exaspère : « C’est un livre de bébé ! » tandis que Yannis, quatre ans, se pâme de plaisir. Et puis il y a aussi, Héline aux grands yeux bleus écarquillés, un pied avec nous dans cette petite salle aux coussins et l’autre au pays des elfes. La rondelette Rossio, elle, comprend l’intrigue trois lignes avant tout le monde et se gondole finement. Alexandre, à l’humour psychopathe et aux délirants désirs de destruction dévoile le preux chevalier qui est en lui, venant à ma rescousse pour rétablir un peu de silence quand il y a trop de bruit. Et enfin Sillas, la grâce même, qui, probablement, déchirera des cœurs, plus tard…
L’attention est soutenue : questions, commentaires, anecdotes entrecoupent la lecture, et le public exigeant, qui se laisse emporter par le récit ou pas du tout : visages radieux ou fermés, pas de triche. A chaque instant, les émotions surgissent par vagues successives. On rit à gorge déployée puis c’est l’ennui qui se pointe et on se couche. On se bouscule (c’est ma place !) ou on s’aime (embrassades et bisous) ou on est fâché et on se le dit haut et fort ! Point de gendarme ici (pas trop mon genre), l’atmosphère est au jeu et parfois même au chaos mais tout de même, quelques règles pour la forme : écouter un minimum, ne pas faire mal à son petit copain et aujourd’hui ce fut aussi : ne pas se mettre nu ! Pris par un désir narcissique soudain, Sabri, tente de capter l’attention de tous par un effeuillage de ses couches vestimentaires. Il n’en rate pas une, celui-là pour se faire remarquer !
Et puis c’est la fin, je ferme le troisième livre et tourne la manivelle de petite la boîte à musique, qui, je m’en étonne chaque fois, les mène dans une douce transe.

Quelle expérience vivent-ils lors de cette rencontre lecture ? Qu’en retirent-ils ? Pour moi, c’est de plus en plus clair : l’aisance, d’être avec eux, comme eux presque, me permet de donner et de recevoir tout autant. La frontière s’estompe entre l’adulte qui offre et les enfants qui reçoivent. D’eux vient l’enseignement : vivants sans masque, je vis, moi aussi, des instants sans masque. Précieux cadeau que cette heure hebdomadaire à « La Farandole ». Merci petits chéris !

lundi 10 novembre 2008

Des coups!

Dans la vie,
Y a des coups durs et des coups de mous,
Qui s’enchaînent sans coup férir.

Des ptits coups de langue de chat dans ton joli cou,
Et plus si affinités…

Parfois, y a des coups qui se perdent.
Des coups de pied au cul qu’on se donne.
Et certains qui tirent leur coup.

Y a les heureux coups du hasard et les zaffreux coups du sort,
Y a des coups bas, tapis dans le noir.
Des coups de cafard les soirs de brume et de brouillard.

Y a les coups de vache, les cous de girafe, du lapin et même du chien
Que des coups de gueule...

Dans les jeux de cartes, y a des coups de poker,
Et dans les mines, des coups de grisou.
Dans les chaumières, des coup de chiffon ou de balai,
Et dans les cieux, des courroux jetés par les Dieux offensés.

Dans la vie,
il y a aussi des coups de boule, de pied, de griffe, de poing, qui tous cherchent la castagne,
Et des coups de reins que l’on réclame car on n’est pas des Saints.

Les plus démocratiques sont les coups de sang; aristo, plouc ou truand, noir, juif ou gouine, communiste ou pdg, on n'y coupe pas : c'est du rouge !

Très rares et très recherchés sont les coups de foudre aux douze coups de minuit.
Plus rares encore, les coups de soleil sous nos grises contrées.
Mais les coups de cœur, par bonheur, il en pleut des masses dans nos âmes chavirées.

Et justement, quand je chavire,
C’est quand tes coups de genoux pressent les miens de ton désir ardent.

Mais tout à coup, j’accuse le coup, c’est le coup de gong. Alors sonne de la fin de mon texte…C’est le couperet !

mercredi 5 novembre 2008

Au creux de la nuit

De là où je me trouve, il n’y a rien. Désert, silence. Plus d’histoire, plus d’appartenance. Libre et seule. Un rien paumée, un zeste de. Pas de quoi en faire une histoire d’ailleurs. Ni d’ailleurs, ni d’ici. Nulle part et pourtant partout. Comprend qui le peut. Dans ce désert d’apparence, mille trésors se dissimulent. Je m’approche. Sous le sable, je devine les clefs, portes du réel. L’une d’elle s’appelle « souffle ». Une autre « vérité ». Une autre « espace ». D’autres encore, « Corps », « vibration », … Je souris. Dans ce désert aux abords arides se trouve la source. Reste à avancer, à la découverte de nouvelles clefs, pas à pas. Voyage immobile au creux du mystère, là où réside le Nom.

jeudi 23 octobre 2008

Autoportrait

Avez-vous vu le film « Entre le murs », Palme d'Or du dernier Festival de Cannes? A un certain moment, dans le film, il est question pour les élèves de faire un autoportrait. Chacun y relate ces faits et gestes, ses « j’aime bien, j’aime pas », une sorte d’énoncé superficiel de manies et d’habitudes, censé refléter le « qui suis-je ? » cher à socrate. Je tique, quelque chose me dérange. Ce professeur, me semble-t-il, passe à côté de l’enjeu réel de la question de l’identité à savoir …celui du mensonge.
Non pas le mensonge dans le sens de tromper volontairement l’autre mais celui du mensonge permanent de ne pas oser montrer qui l’on est vraimen et d'ainsi se conformer à des masques, adaptés aux autres ; copains, parents, professeurs... En quelque sorte, de jouer des rôles, des identités qui sont soi mais pas tout à fait ou pas seulement.
De la conscience de ce mensonge peut naître un certain malaise dû au décalage de se sentir seul(e) et incompris(e) parmi les autres. Solitude ontologique. Cette mince paroi qui nous sépare les uns les autres, ce sentiment d’être toujours en léger décalage, voilà, me semble-t-il, le vrai sujet de l’autoportrait. Il n’est pas abordé dans le film par ce professeur qui se satisfait de la couche de surface habituelle (pour ce que nous en voyons en tout cas). Même, il semble tout à fait heureux de l’émergence d’une pincée psychologique dans l’autoportrait de l’élève chinois Wey. Je ne blâme pas ce professeur qui fait probablement de son mieux…

Tous, enfants, adolescents et adultes sommes tous en quête de savoir « qui nous sommes ». Et nous avons besoin d'être aimé pour "qui nous sommes vraiment". L’école pourrait être un des lieux de prise de conscience de ce besoin et en partie, d’un espace possible de résolution de celui-ci.

« Entre les murs » a le mérite de nous rappeler que l’école et l’éducation telle qu’elle est envisagée en ce XXième siècle, en occident, est avant tout un lieu de conformité sociale où règne l’équilibre fragile de la sanction et de la récompense. Souleymane, à cet égard, en est un parfaitexemple. Doué de sensibilité et vivant dans une problématique familiale difficile, est renvoyé. Inadapté, il rejoindra la cohorte des «non désirables », ceux qui dérangent et que l’on ne veut pas (plus) voir. Par cet exemple on peut mesurer le gouffre qui sépare une école qui apprend à être conforme à la vie en société, d’une autre école possible qui aiderait chacun à reconnaître sa juste valeur. Une école valorisante, non compétitive et non punitive ? Je rêve…

Je me souviens… de ma propre expérience des bancs de l’école. Cette plongée dans la sensation de ces années d’adolescence, je l’accueille avec émotions et étonnement à la fois, tant ces souvenirs étaient enfuis. J’étais une élève sans problèmes, sociable et intelligente. J’avais de bonnes notes, je remettais mes devoirs à temps et à heures et je ne dérangeais personne. Tout semblait pour le mieux. Mais au-delà des apparences, je me sentais absolument seule. J’avais construit, entre mes petits camarades de classe et moi, un masque conformiste afin de cacher un grand désarroi intérieur. Partout où j’allais, je guettais le moindre signal de danger. Celui d’être démasquée. On allait, on pouvait, à tous instants voir qui j’étais : minable, sans qualités, ni valeurs. Tarée, maudite et monstrueuse. La seule perspective de me trouver exposée aux yeux de tous, pour un travail d’élocution par exemple, me remplissait d’effroi des jours durant. D’où me venait ce sentiment de n'être rien ou pas grand chose ? Encore aujourd’hui, je n’en connais pas la source précise et exacte. Bien sûr, au sein de ma famille régnait la violence, le silence et l’indifférence à tous soins de l’âme. Mais peut-être est-ce plus profond, dans mon incarnation même qu'est née cette blessure? Enfant, je la portais sans trop savoir et puis lors de l’adolescence, je me suis confrontée à mon image et je me suis déçue. Je n’étais pas celle que j’espérais être et je me comparais, d'un regard impitoyable, à toutes mes copines et aux images de la télévison et des magazines. Le verdict était: pas assez jolie. Pas assez pour devenir « clodette »( !)par exemple. Vous voyez, les filles un peu nunuches qui dansaient derrière Claude François, mon idole de l’époque (j’ai changé de goûts depuis, rassurez-vous !). Alors, j’ai rasé les murs. Alors, lorsque je plaisais aux garçons, je ne pouvais le croire. Quelques années plus tard, un bataillon de boutons d’acné a complété le masque. J’ai vraiment crû être la « pas aimée « et je suis devenue (inconsciemment) la « pas aimable ». La résolution du conflit entre moi et mon image, je ne pouvais le vivre à cette époque. Il se cachait là trop de souffrances. Par bonheur, aujourd’hui, la réconciliation est en marche…

jeudi 9 octobre 2008

Exploration

Me sens comme un pantin « singeant » le prof et cette vision me déplaît. Pas envie, au fond. Niveau de tolérance zéro à la moindre contrainte, à la moindre obligation de devoir être là. Je quitte le cours de danse.
En trame continue, je perçois le sentiment de déception. La colère n’est pas loin. Je ne suis pas celle que j’aurais aimé être.
Quid de cette déception ? Tristesse, colère, amertume et culpabilité, tous venus d'un vide affectif de l'enfance et même d'avant. Ce mélange dont je ne savais que faire, je l’ai retourné contre moi-même. Désir de mort, d'anéantissement sous le sourire.
Jusqu’à présent, pour être quelqu’un, je m’étais calquée sur le désir que l’on avait de moi. Aujourd’hui, le goût me manque. Les forces m’abandonnent. Recherche de syntonisation avec mon propre centre. Plutôt que de chercher l’issue vers un nouveau désir de quelque chose (tant de possibles), je regarde la dépression apparaître. J’écoute le juge qui m’enjoint à m’activer. L’enfant en souffrance qui se débat. La recherche avide d’un sauveur qui hurle à tout berzingue. Je reste là, je ne fais rien, je me laisse faire. Je descends là où tout est redoutable (ou l'art de jouer à QUI a peur du grand méchant loup ?), dans le trou sombre où l’identité n’est plus rien.

jeudi 2 octobre 2008

La perfection de soi

Au côté d’une pub d’un parfum Dior, je lis dans « Marie-Claire » un article intitulé « Silence on meurt »: Des centaines de Birmans sont en train de mourir avec la bénédiction de la junte. « Les gens devraient apprendre à se nourrir tout seuls. Nous ne voulons pas que les étrangers nous voient comme un pays de mendiants » a déclaré un militaire aux volontaires birmans qui se pressent pour distribuer de la nourriture aux survivants du cyclone. Les rescapés ont dû retourner dans leurs villages dévastés, où seuls la faim et le désespoir les attendent.
Un autre article, toujours dans «Marie-Claire» dans la rubrique «Autour de nous» : Ce soir je brille ! www.brilleenville.com nouvelles émissions télés, expos, tournages et potins people, restos ou bars en vue, hit fashion ou citations classiques…de quoi épater la galerie lors du prochain dîner!

Le lien ?
Dictature politique ou dictature mondaine, même combat : dans les deux cas, ne se voir ou se vouloir que parfait. Mal sournois caché au plus profond du psychisme humain.

L'origine ?
Désir de combler le manque d’amour, d’attention et de reconnaissance. Dès l’enfance, nous construisons une image de nous-mêmes parfaite c'est-à-dire celle qui correspond au désir qu’ont nos parents à notre propos, mais aussi celle de l’école d’être sage et d'avoir de bons points. Plus tard celle du travail d’être productif, compétitif et soumis aux ordres, celle du conjoint d’être un bon partenaire et un bon parent et celles nombreuses de la société : être svelte, jeune, en bonne santé, dynamique, sociable, de belle apparence… Nous intégrons à tel point ce dressage que nous nous l’infligeons à nous-mêmes en permanence. Stress, dépression, addictions diverses, avidité de biens et de pouvoir forment un tampon pour amortir l’écart entre ce que nous pouvons être et l’inatteignable image parfaite. Et lorsque l’écart est insoutenable, le suicide est aussi possible… Je me souviens du Dalaï Lama qui s’était étonné de découvrir aux contacts des occidentaux combien nous pouvions nous haïr nous-mêmes.

Le chaman Don Miguel Ruiz dans «Les 4 accords toltèques» nomme ce désir de perfection « Le rêve de la Planète» mais il ressemble plutôt au cauchemar de la domestication. Il explique que dès que nous sommes en mesure de le faire, nous donnons notre accord aux différentes règles que l’on nous impose pour être conforme à l’idéal. Nous devenons de bons petits soldats qui obéissent aux règles sous peine de rejet, de sanctions voire de châtiments. Prendre conscience de ce formatage invisible car jamais dénoncé, est déjà un grand pas vers la libération. Un autre est de se donner d’autres accords comme ceux proposés dans les 4 accords toltèques: «Que votre parole soit juste. Quoiqu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle. Ne faites aucune supposition. Faites toujours de votre mieux.»
Chemin au long cours que celui de désapprendre …

Je me souviens…de mon désespoir d’enfant de n'être pas parfaite. Pourtant à la maison, je trimais. A l’école, j’étais obéissante et studieuse. Avec les gens du village, souriante et polie. A chaque instant sourdait en moi un grand désir de plaire et d'être reconnue. Tout mon être était tourné vers ce but afin de récolter sécurité et tendresse.
Mes parents avaient appris (ô merci l'esprit chrétien!) que de féliciter un enfant pouvait le gâter et le rendre paresseux ou de lui dire qu’il était beau de le rendre narcissique. Quant aux gestes tendres et aux mots d’amour, faute d'en avoir reçu eux-mêmes... handicap émotionnel (remboursé par la Sécu?). A leurs yeux, j'avais tout ce qu'il me fallait et même bien plus, vu leur vécu d'enfants de la guerre (on sait ce que c'est que la faim, nous !). Me plaindre ? J'aurais été bien ingrate. Me révolter, gare à mes fesses. Alors j'avalais ma tristesse et ma colère, qui tant d'années masquées, ont peu à peu empoisonné mon corps et mon psychisme. Aujourd'hui, je me libère enfin de ses poisons, petit à petit...ce que je peux...en essayant de ne pas m'en vouloir de cette relative lenteur car il faut bien de toute une vie pour réussir à s'aimer .
Histoire d’enfance banale du rêve de la Planète. Quelle est la vôtre ?

mercredi 24 septembre 2008

Automne

Tout est tendresse et détente ce matin, le ressentez-vous, vous aussi ? Les attaques de l’énergumène de l’étage se font plus lointaines et cèdent la place au poudré du cœur. Douceur maternelle qui tendrement étreint tous les êtres sur son sein assez large pour n’en rejeter aucun. Vastitude de ton Amour. Pas un atome dans l’univers n’est oublié.

jeudi 11 septembre 2008

ô le joli papillon !

Oh le joli papillon ! Rouge, ocre, blanc et noir. Il voletait, léger, dans les rayons du soleil en tourbillonnant comme ivre de joie. Mon cœur s’est ouvert à sa présence. Il y avait si longtemps que je n’avais vu ce compagnon de nos paysages. Une émotion est venue chatouiller ma mémoire. La beauté des papillons. Je faisais, enfant, une collection de ces jolis insectes. Nous les achetions dans la petite épicerie des parents de mon amie Marie-Noëlle. Ils étaient logés dans une pochette en plastique Je me souviens combien leurs couleurs, leur soyeux et leur texture veloutée, procuraient à mes sens un délice d’être. Celui couleur bleu nuit surtout me fascinait par son mystère et sa grâce parfaite.
La tristesse a recouvert de son ombre le souvenir. Combien de papillons ont été sacrifiés pour finir dans des pochettes en plastique ? Quel profit a-t-on tiré de ce commerce ? Notre innocence d’enfant ne pouvait nous permettre de voir plus loin que notre plaisir de les posséder. Mais les adultes ? L’humain est-il à ce point si court dans sa pensée pour se voiler ainsi de sa responsabilité envers toute autre créature que lui-même ? Cette histoire de mon enfance est un minuscule exemple de notre mainmise sur le vivant, sur notre pouvoir de destruction en grande partie inconscient. Je demande pardon à tous les papillons d’hier d’avoir été victimes des petits enfants d’alors et aux papillons d’aujourd’hui, je fais le vœu d’une ère nouvelle où l’humain responsable vivra en harmonie avec les autres espèces.

lundi 8 septembre 2008

Ras le bol

Pachamama en a ras-le-bol de nous, les humains. Ou plutôt que humains, je devrais dire les humains non (encore) nés. Marre des bottes arrogantes qui la piétinent. Marre de nos egos qui la pillent et la meurtrissent. Nos moyens technologiques accrus couplés à l'explosion démographique, ont fait de nous des parasites. Cà et là, des prises de conscience émergent ainsi que des tentatives d’autres mondes possibles. Mais ce n’est pas suffisant pour enrayer la marche destructrice de nos agissements. Nous courrons, droit devant, comme des ânes pathétiques devant le dieu Argent-Pouvoir, vers l’avenir ? Que nenni, droit dans le mur ! Car Pachamama est très puissante et jusque là, elle a été très patiente avec nous. Même qu’elle nous aimait plutôt bien. En des temps pas si lointains, nous la respections et lui rendions hommage. En ces temps là, nous savions reconnaître sa généreuse nature. Chaque fois que nous prélevions de quoi nous nourrir, nous loger, nous vêtir, nous lui demandions son accord et lui adressions des prières de remerciement dont elle écoutait le chant. Enfants ingrats nous sommes devenus qui croient que le monde leur appartient et que l’on peut se servir comme si tous les biens terrestres nous étaient dus.

300 litres d’eau/jour/personne au Nevada, Etats-Unis
10 litres/jour/personne à Kaboul, Afghanistan
Chiffres éloquents…

Quand je parle des hommes qui pillent Pachamama, la distinction doit être faite. Le monde occidental et tous ceux qui s’en inspirent sont les coupables. Les besoins superficiels représentent 60-70 %? des comportements. Au nom du bien-être. Mais de quel bien-être s’agit-il ? Besoins issus de névroses de ne plus se reconnaître maillon dans la chaîne du vivant. Les occidentaux, du haut de leur science, se proclament au-dessus de toute la création. Pour certains, Dieu, cette vieille chose que nos ancêtres illettrés vénéraient, a été jeté dans les oubliettes de l’histoire. Pour les autres, Dieu nous a créé à son image, alors, où est le problème ? Quoi que nous fassions, nous sommes couverts, le big Boss nous approuve.

Au Etats-Unis, 50% de l’alimentation dans les magasins est jeté (combien en Europe?).
3000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kilo de bœuf (1).
1 milliard de personnes n’ont pas accès à de l’eau potable.
Inconscience proche de la folie.

Depuis peu, les actualités nous alertent. Mais rien ne peut changer sans très très vite, une prise de conscience massive. Et même c’est déjà trop tard… Un ami me rappelait que dans les années 70, écologistes et scientifiques (certains) avaient déjà sonné le tocsin. Dans le désert... Cataclysmes, tornades, ras de marée, sécheresses, inondations, maladies des animaux asservis par l’homme, dégénérescence des végétaux, remèdes détruits…On va le payer cher et malheureusement, les premiers seront ceux qui ne sont pas créateurs du désastre. A moyen terme, ce sera l’espèce entière qui sera touchée et même Bill Gates et sa descendance depuis leur bunker hi-tech… Alors, toutes nos larmes ne suffiront pas à attendrir le cœur de Pachamama. Nous lui avons fait trop de mal. Plus de rémissions possibles.

Albert Jacquard, il y a 17 ans, avait écrit: "Voici le temps du monde fini". Je le rejoins en disant « Fini le temps de la mainmise de notre espèce sur la planète bleue ». J’entends, au loin, le son des tambours des millions et des millions de créatures qui se réjouissent déjà de l’éviction du trône de celui qui se croyait le Roi (2). On pourrait me rétorquer : "Mais ce n’est pas de sa faute, il ne savait pas." Justement, il savait mais il voulait surtout jouir, jouir encore et encore(3).
«On récolte ce que l’on sème »: Trop d’arrogance a été semée. L’arrogance de se croire les seuls à posséder l’intelligence. En vérité, nous sommes à peine à quelques degrés des autres primates et des mammifères en général.

Une seule consolation dans cette amère vision. Dieu ne nous en veut pas. Nous sommes une erreur. Il fera mieux une prochaine fois.

(1) Animaux bien cachés de nos sensibles regards (!) qui subissent des conditions de vie proches des camps de concentration nazis.
(2) Sorry petit Prince. Toi, tu ne sais pas.
(3) Proche de l'expérience en laboratoire de singes qui, avec un mécanisme simple, peuvent se procurer la jouissance. En majorité (tous?), ils se font jouir quasi en continu et vont jusqu'à la mort.

jeudi 28 août 2008

Paradoxe(s) de la souffrance

Je vois les yeux de la petite fille.
Deux perles brunes qui m’interrogent :
« Sais-tu pourquoi maman m’a abandonnée ?
Et toi, es-tu prête à m’aimer ?»

Je connais ce refrain : « Pourquoi moi, pourquoi cette vie-là ?
Qu’ai-je fait pour mériter cela ? »

En un instant, c’est la tempête,
La colère qui gronde, le conflit qui tenaille.
J’assiste à la débâcle, je prends les coups.
Je vois l’amertume qui ronge son cœur.
A coups de becs virulents elle m’insulte.
Elle se défend.
Inapprochable, elle est toute seule.

Moment fatal du choix (mais a-t-on vraiment le choix ?)
Et de là tout est possible.

S’accrocher, se débattre,
Garder le malheur bien au chaud,
Qui donne l’impression d’une consistance,
Qui remplit le vide creusé par les désillusions.
Se révolter et haïr, soi et les autres...(en fait c'est le même)

Ou bien…

Embrasser le malheur.
Et assister à l’écroulement de son monde.
Mourir à l’illusion d’avoir et de posséder.
Transmutation par la souffrance.
Aimer, quoi qu'il arrive, soi et les autres...
(en fait c'est le même)

Ce choix, je le découvre, et chaque jour il se présente à moi de plus en plus souvent. Je sais qu’il existe à chaque instant mais je ne peux totalement encore le percevoir.
Au contact de ma présence (conscience), la petite fille pourra-t-elle à son tour faire le choix ?
De mes pas suivra-t-elle la trace ?

vendredi 22 août 2008

Changement

Je connais beaucoup de gens, dont moi, qui ont le désir de vivre une vie plus riche et épanouissante que celle qu’il vive. Non pas qu’elle soit médiocre. Souvent, il s’agit plutôt d’un sentiment intérieur de non-satisfaction. Si l’on prend la peine de l’écouter, on pourra entendre un ressassement mental « Blablabla...Tu ne peux pas faire ça…blabla…je ne suis pas capable, pas assez… blablabla…la vie est dangereuse… personne ne m’aime… » Bruit de fond permanent. Dès le réveil, la machine à pensées se met en route et si pas de soleil dans le ciel, caramba, ça ne danse pas des claquettes dans la maison ! Que voilà de juteux clients au marché du mieux-être. «Grâce au stage métamorpho-trantrico-angélique, rencontrer vos désirs et les portes du bonheur s’ouvriront à vous. » Enfin devenir quelqu’un de bien. Enfin faire disparaître le médiocre en nous. Le temps de quelques jours, les pensées qui sapent le moral sont mises au rancart. Le soleil pointe à l’horizon, l’espoir renaît, l’énergie déborde. Et puis doucement la vie reprend comme avant et la machine de destruction retrouve le chemin du quotidien banal. Tout se ternit à nouveau jusqu’au prochain stage… Et puis non. Reste à s’asseoir et à rester là jusqu’à ce que peu à peu la conscience éclaire les schémas des pensées destructrices. Rester là sans rien faire, sans désir de changement. Patienter. Rencontrer la frustration et les pensées limitatives. Juste les voir, les écouter sans juger, sans les approuver ou les rejeter. Un espace se crée. Mince d’abord. Rester à l’écoute. Ne pas se précipiter. Laisser le temps agir pour permettre à l’espace vide et radieux de pénétrer plus profondément. Alors seulement l’alignement avec qui l’on est vraiment irradie tout acte et toute pensée. Emergence du vrai.

jeudi 21 août 2008

Me laisser...

Me laisser pénétrer par la solitude
Et frissonner de malaise du chaos entrevu.

Me laisser quitter la certitude du monde des hommes
Et rejoindre l’impuissance de n’être autre que moi-même.

Ma laisser tomber dans le trou où il n’y a rien ni personne
Et sentir dans mon ventre, mon cœur et chacune de mes cellules, la blessure de l’abandon.

Me laisser rencontrer la colère
Et accepter de descendre encore même si ça fait peur.

Et telle une barque vieille qui sait juste qu’elle part sans savoir où elle va, elle dérive toute petite dans l’immense, dans l’ennui. Le temps se suspend, s’immobilise. Elle se dissout. Elle est arrivée aux rives de quelque part ou de nulle part. Elle est là mais elle ne sait pas où.

lundi 28 juillet 2008

La question

Le métro. Lieu de passage, de rencontres fortuites, de présence et de disparition. Sur le quai, je vois l’un qui se traîne, le regard brisé par la vie. Dans la rame, une autre, qui regarde au loin, perdue dans ses pensées, avec à son poignet un bracelet d’images de Vierge Marie. Près d'elle, debout, un gamin aux basquets argentées et pantalon de training, furieux et agité, l’oreille collée à son portable. A côté de lui, un fonctionnaire des Communautés européennes probablement, genre premier de classe, au costume impeccable, qui discute Deutsche Marks avec sa voisine aux yeux d’acier et à la bouche amère. Brassage d’humanité, tragicomédie faite de masques plus ou moins consentis. Sous jacente, qui suinte, la peur de n’être rien. Je suis comme eux, peut-être un peu plus consciente qu’eux ? Puis vient un papa avec une poussette, dans laquelle une toute petite plante ses yeux limpides comme l’eau des roches dans les miens. Mon cœur s’étreint de cette question qu’elle me pose : « Qui es-tu ? ». Touchée par sa clarté d’être, je mesure combien je suis en exil de cette paix qui émane d’elle. Je détourne mon visage perlé de larmes…

dimanche 20 juillet 2008

Moi je voulais

Moi je voulais, un destin

Qui claque au vent comme un drapeau américain

Une vie style « tout ou rien »

Qui brûle et qui éclabousse tous sur son chemin


Moi je voulais danser, radieuse, comme une étoile dans le sombre firmament

Rêver, debout, des mondes étourdissants

De couleurs qui allument le regard longtemps, longtemps…


Moi je voulais bondir, sauvage, comme le puma sur sa proie

Vibrer au rythme doré d’une harpe dionysiaque

Transpercer la vie comme une flèche suprasonique


Moi je voulais, écarteler mon cœur à des cieux infinis

Connaître la paix immobile de la pierre

Sphérique d’immortalité, totalement, absolument…


Petit tas

Savez-vous que tout là-haut, au-delà de notre ciel, vivent les Anges ?

Quoi qu'il en soit, un beau jour dans les Cieux angéliques, alors que jusqu’alors régnait l’Harmonie, ce fut le grand désordre, le Chaos. D’abord le téléguidage intérieur des anges se brouilla. On dénombra de forts nombreux accidents à l’atterrissage. Cela les rendaient de très mauvaise humeur. En plus ils se sentaient bizarres. Une nouvelle émotion était apparue dans leur cœur : ils se sentaient seuls, terriblement seuls. Jamais auparavant ils n’avaient ressenti la Solitude.

Chaque ange portait une seule signature, une seule couleur qui lui était propre. Comme ils étaient des milliers, chacun portait une nuance subtilement différente de celle d’un autre. C’était un très joli spectacle à voir que cette myriade colorée. Toutes les couleurs réunies de chacun créait une lumière blanche, absolument, totalement, blanche et pure et cela depuis la nuit des temps. Or là, quelque chose clochait. Ce nouveau sentiment de solitude, ce creux dans le cœur, leur procurait un manque. Ils ne se sentaient plus unis, ils se sentaient différents. Mais ils ne l’avaient jamais ressenti avant. Avant la Solitude.

« Peut-être manque-t-il l’un de nous ? » suggère d’un air soupçonneux l’Ange détective. « Recomptons-nous afin d’être bien sûr que nous sommes tous là ! » ordonne l’ange de l’ordre. Ils se mirent en file des anges c'est-à-dire en un grand cercle volant, puis l’ange comptable compta. « Tout le monde est bien là ! ». Cette nouvelle les déprima fortement, leur chute fut brutale. Patatra ! Que pouvaient-ils faire ? Soudain, l’ange très ancien se rappela que des anges sans couleur vivaient dans des cieux inférieurs. Alors, chaque ange à son tour, avec précaution se mit à descendre l’échelle angélique. Ils croisèrent un ange blanc perle, un autre gris pâle, encore un autre gris anthracite et ainsi de suite, des milliers d’autres anges sans couleur. Ils descendirent encore et encore jusqu’à des profondeurs de plus en plus opaques et des anges de plus en plus noirs. Puis ils le virent : un ange si noir qu’on le voyait à peine et en plus il dormait ! « Comment ose-t-il dormir ! Un ange, en principe, ne dort jamais, il n’en a vraiment pas besoin étant donné sa constitution de lumière. Et lui, là, le noiraud, il dort et presque il ronronne, un sourire béat sur le visage. » La Communauté des Anges le regarde d’un air sévère. Qui peut-il être ? L’ange ancien se souvint de lui : il s’appelait Inutile ou Raté. Chacune des tâches qu’on lui demandait de faire, il la foirait. Alors on l’avait oublié là, dans son coin et il s’était endormi. Afin de comprendre le pourquoi de son sommeil, les anges accordèrent leur diapason chromatique et tous s’endormirent à leur tour, un sourire béat sur le visage. Ils étaient arrivés dans un monde confortable et lent, doux comme de la ouate. Ils se réveillèrent et ils furent très heureux de cette découverte : dans ce monde là, le sentiment de solitude avait disparu !

Depuis ce jour mémorable, quand un ange voulait quitter la Solitude à laquelle ils s’étaient tous plus ou moins habitués, il descendait l’échelle angélique jusque tout en bas, jusqu’à Petit Tas, (la Communauté lui avait choisi ce nouveau nom, Inutile ou Raté ne convenait plus !). Puis il se lovait contre lui et il s’endormait.

Il paraît que c’est ainsi que les bébés naissent sur terre… Enfin, c’est ce qu’on dit…

samedi 19 juillet 2008

L'ogre

Je regarde mes parents. Ils sont vieux maintenant. L’un vient de vivre un cancer du côlon et l’autre me parle de ses spasmes à l’estomac et aux intestins. Dans leur vie de tous les jours, ils ont les préoccupations petites et minutieuses des gens âgés. Ils ont aussi le temps d’écouter. Je me sens heureuse de pouvoir leur dire qui je suis, en pointillé, moi qui n’en espérait plus tant. Le cœur léger, je rejoins la chambre supplémentaire de leur nouvel appartement si coquet et en même temps, je suis troublée : comment ces gens aujourd’hui si gentils ont-ils pu, à ce point, bouleverser ma vie d’enfant ? Comment ce vieil homme faible a-t-il pu tant m’effrayer ? Mais eux, comment me percevaient-ils lorsque j’étais enfant ? Sensation, sentiment et pensée peuvent séparer d’un gouffre immense ceux qui pourtant vivent dans un même espace.

Mon âme s’obscurcissait d’un voile noir tant était grande ma sensation de vide affectif et sensoriel. J’étais avide de l’amour de ma mère et j’avais tellement peur de mon père et de ses mains, grosses et tâchées du sang des animaux que, jour après jour, il découpait en morceaux. Dans notre maison flottait une odeur âcre et lourde de chair morte, tellement habitués à elle que nous ne la percevions plus. Notre regard ne percevait plus l’univers sanglant dans lequel nous baignions en permanence. Mais c’est dans mes nuits que flottaient de terrifiantes images d’ogre aux yeux rouge sang… Violence réelle, violence fantasmée ? Quelle est la part du réel et de l’imaginaire ? A cette époque, pour moi c’est sûr, la vie tenait plus du cauchemar que du conte de fées.

Aujourd’hui, mes parents sont plus petits que moi et ils ne me font plus peur. Nos yeux entrent en contact, furtivement. De timides « maman »et « papa » s’échappent de mes lèvres pour désigner l’un ou l’autre. Après le deuil, voici que vient une ère nouvelle faite de rencontre véritable. Le voile de mon âme se lève peu à peu et qui sait, demain peut-être, mon cœur s’ouvrira-t-il pour rejoindre le leur ?

Je me souviens… Nous allions souvent au café avec mes parents, à «La boule rouge » qui était, et est encore, très populaire à Verviers. Nous aimions y manger un « croque boum boum », une spécialité de l’endroit : un croque monsieur avec de la sauce bolognaise par-dessus, bonjour la digestion ! Mon père enfilait bière sur bière. Non pas 3 ou 4, mais plutôt 10 ou 15. Son ventre proéminent attestait de leur ingestion. Et bien sûr, il était saoul… La soirée était interminable pour nous, les enfants. Dans la fumée épaisse des vapeurs d’alcool et des fumées de cigarettes, après avoir épuisé le flipper et le juke-box de nos chansons favorites, dont une d’Elton John, une pièce triste au piano que nous faisions semblant de pianoter mon frère et moi, nous gémissions pour rentrer à la maison, affalés sur la banquette, morts de fatigue. Mais nos plaintes n’étaient pas reçues, mon père voguait sur des sentiers alcoolisés où plus rien ni personne ne pouvait le rejoindre. Parfois lui prenait l’envie soudaine d’enlever son pantalon. Autour de lui, ses comparses éméchés le retenaient tout en lâchant de gros rires bien gras de ses envies exhibitionnistes. Pourquoi diable, voulait-il faire cela ? Dans mon univers d’enfant, ce désir relevait du parfait mystère et de l’incompréhension la plus totale. Je rêve d’un jour où, calmement installés dans les fauteuils du salon, nous pourrons rire de ces moments et qu’alors il me dévoile ses secrets. Un jour, peut-être, qui sait ?

dimanche 22 juin 2008

Filiation

Installée près du glou glou de l’eau qui me berce, je ferme les yeux et pose mon livre. L’image de ma mère apparaît. Elle a les bras ouverts, elle sourit. Je me colle tout contre elle. Des larmes glissent sur mes joues, mon cœur fond. Des mots viennent « Pardon de t’avoir tenu à distance » et elle « Pardon de n’avoir pas pu être tendre ». Blessées toutes deux, nous nous consolons. Je savoure la chaleur de son corps, toute pénétrée par la peine et la joie enlacées. Puis vient une autre image, ma mère toujours, mais vieille, amaigrie, abandonnée dans mes bras. Je pressens que cette situation sera réelle et qu’alors, je devrais faire appel à tout mon cœur, à tout mon amour pour elle, avec peut-être mon manque d’enfant qui ressurgira. Le don sans rien attendre en retour sera la seule voie possible.

Je reviens au présent et je pense à ce livre dans lequel Luis Ansa rencontre un chaman qui lui parle de l’eau comme d’une mère et les larmes de Luis ont surgit. Par quel détour parfois certains livres tracent le chemin et nous éclairent ? C’est une grâce et un mystère. Celui-ci est le cadeau qui me dit de ressentir, d’échanger l’avidité du comprendre par la recherche du connaître. Patiemment, la mémoire du monde peut alors frapper à la porte du cœur. Dans ce livre, l’Amour est aussi appelé l’épice. « Son parfum, son goût et sa résonance viendront à toi parce que l’Amour aime passionnément celui qui le cherche au bon endroit et de la bonne manière. » Les temps sont à l’obscurité mais les éclaireurs veillent…

Question de filiation… Au lendemain de la rencontre avec Laïla, la petite fille dont je serai la marraine dorénavant, je me questionne sur la reconnaissance secrète qui se tisse au travers des êtres qui se choisissent. La filiation avec Laïla sera-t-elle réelle ? Elle m’est apparue comme un petite fille au cœur immense mais recouvert d’un bunker de protection. Il y a de quoi se protéger : abandonnée dans un foyer à l’âge de deux ans et demi… Mais j’avoue être un peu déçue de n’avoir pas rencontré une petite fille plus tendre et plus douce. Je ne sais de quelle mémoire survient cette impression qu’à ma mère aussi je faisais peur. Petite Nadine si curieuse et si pleine d’intelligence, mais aussi si farouche et dont le cœur, barricadé, voguait à la dérive, au grand large de toutes tentatives d’approche.

Je ne me souviens pas…d’un seul moment tendre entre ma mère et moi. Pas un seul. La tendresse je la trouvais dans la campagne où je courais les chemins. Je revenais toute crottée de mes escapades dans les flaques, toute ébouriffée par le foin des fermes. Je humais le parfum des lilas où des muguets sauvages dans la forêt. Je parlais au chien, au cheval, à la coccinelle et au moineau. Me couchais dans les herbes hautes et contemplais le ciel. Je me berçais au bruissement des feuilles des arbres ou des maïs que le vent caressait. Je vivais dans un monde tactile et sensuel et je me sentais libre et délivrée de contraintes et de peurs. Mais il fallait revenir à la maison…dès le seuil franchit, je prenais la position du repli et me réfugiais dans mon monde. Dans le fauteuil de la cuisine, parmi les autres que je ne voyais pas, je me balançais pendant des heures. Plus tard, je me suis trouvée un fauteuil dans le salon où personne n’allait et je chantais et me balançais sur les musiques de Claude François. A dix encore, j’avais une sucette de bébé pour dormir. Un jour, ce fut le drame quand mes parents ne voulurent pas que j’achète une nouvelle pour remplacer celle que j’avais perdue.

A part parfois mon plus jeune frère, ceux de ma famille étaient pour moi des ombres qui pénétraient plus ou moins violemment ma bulle, mon refuge. Je ne rêvais que de fuite… être dehors dans la lumière et plus dans le sombre climat de cette violence que mon père faisait régner et qui m’oppressait.

J’avais ce que l’on appelle un caractère fort. Il fallait me mater « c’est moi le maître ! » disait mon père. Je le maudissais en silence, les joues rougies par l’humiliation de devoir me soumettre à sa force. En guise de résistance, je m’enfermais dans des bouderies interminables. J’avais de violentes colères et je subissais le retour de mes impertinences à coup de claques que distribuaient les grosses mains de mon père. Mais j’étais aussi pleine d’entrain, enjôleuse et volontaire aux corvées. Au village, les vieux vantaient ma politesse. Souriante mais le regard si triste parfois…

Mon seul espoir, l’école. J’étais intelligente et studieuse. J’apprenais sans difficultés. Aucune aide parentale, et pourtant je me tenais sur la plus haute marche du podium de la Classe. A l’école, je pouvais m’épanouir et parler et rire, enfin exister dans le regard des autres. Pour les cancres c’était le bagne. Pour moi, un paradis où les règles sont justes et les adultes prévisibles. Sortie du monde des fantômes, je reprenais couleurs et forme et de même, tout alentour.

Je me souviens de mes années d’école et des chemins de campagne…

lundi 2 juin 2008

Ayahuasca

Voyage chamanique avec l’Ayahuasca. Ca pourrait ressembler à un cirque touristo spirituel sauf qu’il s’agit ici de médecine dans un cadre ultra sécurisé et guidé de main de maître par deux chamans, T. et F.. Voyage sacré de l’âme. J’ai vécu dans la peau d’un puma, plané avec l’aigle, béni la Pachamama, perçu la danse du cosmos pour la réintégrer dans mon corps, ô extase !, où chaque organe est une planète. Je me suis sentie comblée d’amour, les yeux comme des diamants. J’ai vécu la transe du chant et des tambours avec l’énergie conscience qui montait en spirale et me délivrait mille informations à la seconde, ajna chakra en feu, jusqu’à un espace limite où j’ai crû perdre la raison. Tout va bien, je suis de retour … Les jours suivants le premier voyage, l’intégration s’est faite au sein des différentes strates de mon être et la compréhension poursuivie. Lors du second, suite aux intentions exposées lors du passage du bâton avant la cérémonie, à savoir « to known who I am » and «to open my heart » (beaucoup de néerlandophones d’où la langue de Shakespeare), l’Ayahuasca, grâce lui soit rendue, répond par une image qui se révèle et me met en larmes. Celle de mon père et de ma mère, sur ma poitrine, à droite et à gauche, comme me tétant, âmes malades dont j’ai senti inconsciemment la souffrance lors de mon enfance.

Il m’est demandé de conduire mon père lors du passage de sa mort prochaine. Puis d’accompagner la guérison de ma mère et probablement de ma sœur aussi. J’ajoute l’accompagnement affectif de mon neveu, lui aussi abîmé. Lourde mission mais ma propre guérison du cœur est en jeu.

Grâce au pouvoir de l’Ayahuasca, j’ai vu avec grande clarté que mon père portait le poids d’une enfance trahie. Poignardé en plein cœur par son père, il se munira, adulte, du même couteau, pour, ensuite, ne sachant que faire de sa sensibilité blessée, le retourner sur sa propre famille. Ni vu, ni connu. Perpétuation de la meurtrissure.

Ma mère et ma sœur, elles, portent le poids de l’emmurement résignation – dépression, suite d’une lignée blessée de femmes (exploration menée lors d’une constellation familiale). Ma mère m’a appelée par des surnoms, évitant mon prénom et ce que je suis (« oh, toi et ta sensibilité » me dira-t-elle un jour). Moi je ne me souviens pas l’avoir jamais appelée maman.

Ces deux poisons émotionnels, trahison et non-reconnaissance, se sont intégrés en moi avec pour conséquence une tendance dépressive, un sentiment de séparation et de trahison. Ce dernier se manifeste avec acuité dans la relation amoureuse, qui donne à l’autre le pouvoir de me trahir doublé de la croyance qu’il possède la charge de me reconnaître. Or, je choisis un homme libre qui se défend de cette responsabilité non-sienne. Il n’y a pas de hasard…

M’incombe le travail profond et sacré de reprendre mon pouvoir et de me libérer de cette croyance pour vivre pleinement « qui je suis ». Travail de guérison au prix d’accepter d’ouvrir mon coeur sur l’autel de l’indifférence de mes parents.

Je me souviens…d’un jour de kermesse dans le petit village où nous vivions, ma famille et moi. J’ai sept ou huit ans. Les forains ont installé leurs caravanes sur la place de l’église. La boucherie familiale est aussi sur la place. Je suis dans le magasin avec ma mère et mon père saoul qui la menace de sa monstrueuse violence. Je suis en souffrance de sa détresse à elle. Il veut que je m’en aille et je vois ses grosses mains pleines du sang des animaux, prendre de l’argent dans la caisse et me le donner pour que j’aille « m’amuser ». Moi, je ne veux pas quitter ma mère. J’ai peur pour elle. Je pleure et résiste, m’accroche à elle. Mais elle me repousse et se joint à lui pour que je parte, pour me préserver ? Il me faut céder et me voilà, avec, dans les mains, l’argent des jeux souillés et morbides de mes parents, l’argent qui me permet d’aller « m’amuser ». Je me revois encore refermant la porte, fuir le cauchemar en m’élançant, le cœur déchiré, vers les carrousels. J’ai envie de vomir. Un poids de solitude m’étreint. Il me faut faire bonne figure parmi les autres pour vivre les joies de la chenille fantôme et autres auto-tamponneuses. Tout sonne faux sur fond de flonflons et de musique qui hurle à tout berzingue. En pensant à ma mère là-bas avec lui, je me retiens de pleurer. Qui sait quels abîmes se cachent parfois derrière le visage souriant d’un enfant aux yeux tristes?

C'est quoi l'amour ?

Je me souviens… de la petite dame qui vivait à côté de chez nous, Félicie Dumoulin. Elle avait perdu son mari bien des années plus tôt. Ils n’avaient pas eu d’enfants mais elle avait un neveu et une nièce qui venaient la visiter. Je crois qu’elle souffrait de n’avoir pas de famille c’est pourquoi, elle nous accueillait moi et mon plus jeune frère comme si nous étions ses petits enfants. Pour moi, elle était comme ma grand-mère. Ma « réelle » grand-mère, la mère de ma mère, je ne la voyais que peu, lors de visite dans le home où elle vivait. Elle me semblait triste et gémissante et je ne me souviens pas d’attentions particulières de sa part pour nous.

J’aimais beaucoup aller chez Mme Dumoulin par contre, surtout à l’heure des repas. Elle faisait cuire sa viande jusqu’à presque la brûler. Elle me donnait toujours un petit morceau et puis nous faisions des trempettes de pain dans le beurre brûlé, j’adorais ça. Elle préparait toujours une délicieuse laitue, toute fraîche cueillie de son jardin qu’elle accompagnait généreusement d’une mayonnaise faite maison. Quand venait l’heure du repas dans ma famille, je n’avais plus très faim…

Je la revois aussi se baissant, avec son large bassin et ses jambes tordues de rhumatisme, sur ses rangées de pommes de terre. Le jardin embaumait des parfums de toutes les fleurs qu’elle avait semées et aussi des petites haies de gui qui délimitait ses plantations et son jardin du nôtre. Il s’agissait pour moi d’un univers magique, rayonnant de beauté qui ravissait mes sens en éveil.

Souvent, nous logions chez elle, mon frère et moi. Nous regardions ensemble la télévision, la rtb. « Voulez-vous jouer ? » était notre émission favorite : la joie régnait entre nous, que de blagues et de commentaires farfelus ! La pièce était surchauffée par son poêle à charbons et les joues en feu, nous montions nous coucher, avec une bouillotte, dans le lit moelleux et couvert d’épaisses couvertures. Le lendemain, c’était les yeux rouges et la gorge serrée que nous rentrions chez nous, non de l’émotion de la quitter mais de l’allergie aux poils de son chat qui nous avait rejoint pendant la nuit.

Parfois, le dimanche après la messe, elle ouvrait sa bouteille de martini et nous en donnait un petit verre. Un peu saouls, nous faisions alors quelques pas de valse ou de tango. Sa voix chantonnait de vieux airs et nous, les enfants, nous partions en fous rires légèrement alcoolisés.

Et puis j’ai grandi. Nous avons déménagé. J’ai fait ma vie, loin d’elle. De temps en temps, elle nous rejoignait lors d’une fête de famille. Elle parlait de la solitude qui lui pesait, de son envie de partir pour rejoindre Jesus, qu’elle allait prier chaque jour.

Bien des années plus tard, je suis allée la voir avec ma sœur. Elle vivait à son tour dans un home. Elle s’éteignait peu à peu dans sa chambrette avec rien à faire. Nous avons pleuré toutes les deux. Elle, de se souvenir du temps jadis où « j’étais si gentille » et moi, des moments de tendresse vécus près d’elle. Puis elle est morte, peu de temps après…

Aujourd’hui, quand je repense à elle, je revois une dame toute simple, fondante de bonté et d’humeur enjôleuse. Elle a été mon rayon de soleil dans l’enfance gris chagrin, un îlot de résilience. Là où elle est, je lui envoie mille baisers d’amour.

mercredi 14 mai 2008

Quand la vie des jours après jours...

Quand la vie des jours après jours, avec ses repères, avec ses attaches, avec ses hier et ses demain, ses pensées de petits riens, sa pâle monotonie, son ennui redouté, avec ses inquiétudes, sa peur du lendemain, sa détestable incertitude, son illusoire certitude, avec ses menus plaisirs, ses chagrins menus, ses abîmes sans vertige, avec ses nuits sans songe, ses rêves brûlés, ses souvenirs engloutis, sa désespérante solitude, son innocence bafouée, avec son cœur presque éteint, son souffle invisible, ses regards sans égards, avec ses gestes vides, sa peau qui en oublie la brise, avec ses sourires fades, avec sa légère souillure, ses petites misères et ses faux semblants, avec son ingratitude crasse, son manque d’humilité, avec sa fuite inconsciente, son manque de tendresse, sa violence répressive, sa politesse bien apprise, sa logique de l'ordre, ses fantasmes paranoïdes, ses délires de meurtres, avec ses espoirs écorchés, avec son ventre mou, sa colère pathétique, sa profonde bêtise, son comptage cathodique des morts, son indifférence devant la beauté des fleurs (oh regarde le joli papillon !), avec son mépris du petit, avec son ignorance fatale, sa superficialité putride, sa cruauté, avec son « non, pas çà », avec ses doutes, avec sa satisfaction idiote, sa frustration constante, son délire de puissance, sa banale laideur, son égoïsme sans vergogne, son désir sans relâche, son besoin d’être quelqu’un, son temps à meubler, avec son vouloir bien-être, avec sa tristesse de perdre, avec son pauvre imaginaire, sa poésie sans âme, avec son corps oublié, avec son ventre à remplir, avec sa terre délaissée, avec son ciel sans magie …quand cette vie-là s’efface, reste l’amour (pour ce que j’en sais).

dimanche 20 avril 2008

Caméléonnement vôtre

Je regarde ton visage,

Emouvant au gré de tes sourires,

Eblouie, je suis toi quelques heures,

Toi, c’est moi ou l’inverse ?

Caméléon.

Je me souviens d’un théorème,

Tout corps plongé dans un liquide…

Moi, c’est dans ton corps que je plonge,

Comme un cristal, de sucre, je me fonds,

Caméléon.


Refrain

C'est pas qu'avec toi que c'est ainsi...

Avec le moine, j’porte la soutane,

Avec l’ado, j’kiffe msn,

Avec bobonne, j’suis trop gentille,

Avec pépète, j'me prends la tête,

Avec le con, j’suis cornichon,

Caméléon.


D’être les autres, c’est confortable,

Vivre dans l’ombre ne brûle pas,


Et avec moi, y a pas d’orages,


Pas de conflits, ni de chichis,


Tout tourne rond, parfois ronron,


Caméléon.

Mais toi, t’as l’œil, dans le p’tit manège,

Tu as filé, un bon coup de « Marre ! »,

Un bon coup de pied, « T’es transparente,

T’es qui, où t’es ? J’rencontre du même

Que moi, c’est pas marrant, faut du

Relief, marre que tu t’greffes, façon

Caméléon.


Refrain


Sur cette arête me suis blessée,

Meurtrie, dans l’noir je suis tombée,

Plus de modèle sur quoi m’baser,

Plus de couleurs que j’puisse copier,

Ma peau sous le choc s’est détachée,

A mue toute crue me suis r’trouvée,

Pôvr Caméléon.

De solitude, Caméléon,

Il a crevé, monde écroulé.

« Alors qui suis-je ? Tiens j’ai des jambes,

Je peux danser. Tiens, des oreilles

Pour écouter. Oh une bouche

Pour raconter, et puis un coeur

Qui sait aimer. Je suis moi-même,

Fin du chapitre,

Caméléon.

L'ennui

Alors que je traînais dans mon ennui, je pensais à ma collègue « sûre de son charme » qui m’a dit un jour n’avoir jamais connu l’ennui. « Expérience fondamentale » a rétorqué Cristian, lorsque je lui ai raconté les dires de la belle. Qui a-t-il exactement dans l’ennui que nous cherchons tous plus ou moins à fuir ? Ces derniers jours ont été très mouvementés de rencontres, de musique, de livres, de projets…Après ce tourbillon, me voilà entre mes quatre murs. Que faire ? Rien, me reposer ? Vertige du néant qui tout à coup me lâche une image. Qui es-tu toi que je vois dans le miroir ? N’est-ce pas la plus belle des rencontres possibles que de se découvrir et d’être son meilleur ami ? Le chemin s’illumine et s’ouvre devant mon regard…Mon regard s’illumine et s’ouvre devant le chemin…

lundi 14 avril 2008

Incendie

Les rues portent mes pas
Vers toi
Comme une chaloupe, je tangue
De bientôt rouler sous tes doigts.

Jouette, que vais-je faire
De toi ?
Mon regard d’incendie s’enflamme
De t'imaginer déjà.

Nuit perlée d’étoiles
Comme toi
Je dévore la nuit
Vibrante, qui me caresse et me transperce.

Dans mes sables humides
Pour toi
Je cueillerai sur mon passage
Une perle offerte au vertige.

D'une rive à l’autre
Chez toi
Nous briserons le monde
Dans une fièvre d’astres assassins.

A l'aube naissante, il me faudra
De toi
Me séparer
Ne rien promettre, parfum de liberté

jeudi 10 avril 2008

Derviche

Danse du derviche

Immobile et fluide.

Axe des bras,

Une main vers le ciel et l’autre vers la terre.

Entre elles, le cœur se déploie.

La croix tourne.

Sensation de l’espace,

Est-ce mon corps qui tourne ?

Ou l’en dehors ?

L'un ou l'autre ?

Ni l'un ni l'autre. L'un et l'autre.

www.danzaduende.org

mardi 8 avril 2008

Constellation

Merci pour la peine, merci pour la joie.

Moment de grâce à la cime du chagrin

Qui m’étreint dans le flot de la ville.


Plus tard…

Rêve d’une parfaite constellation

Où chacun de nous tous, tels des étoiles

Sommes à notre juste place.

Absolue nécessité d’être qui nous sommes

Ombre et lumière.


Apprendre à danser sur la Terre,

Le cœur ouvert à l’aventure.


OM MANI PADME HUM

jeudi 27 mars 2008

Un conte panique de Alexandro Jodorowsky

Un homme, en bonne santé, commença a avoir peur d'attraper une maladie des bras. Il s'en fut consulter un médecin. Celui-ci, après de longs examens, conclut : "La seule chose que je puisse faire pour qu'ils ne soient jamais contaminés, c'est de les couper !" Ce qu'il fit. Quelques temps plus tard, le manchot se mit à avoir peur que ses jambes tombent malades. Le médecin suggéra de nouveau, comme méthode préventive, l'amputation. Transformé en homme tronc, en proie à une horrible terreur d'attraper une maladie des viscères, il retourna en consultation. Le chirurgien lui coupa la tête, il la connecta à une machine pleine d'organes artificiels et incinéra le reste de son corps. Ainsi, sans craindre d'attraper des maladies, il se sentit heureux... Jusqu'à ce qu'un jour le médecin l'entende pleurer. Lorsqu'il l'interrogea sur la cause de son chagrin, la tête répondit : "J'ai envie de me rouler tout nu dans l'herbe !"

mercredi 26 mars 2008

Seul le réel a le goût du réel

Le soir, tout se resserre en moi

Me sens comme un petit pois

Et je sais bien que ce n’est pas

Seulement du fait que t’es plus là.


L’épreuve à moi s’est déclarée

S’agit de quitter les bouées

Face au grand vide, on est tout seul

N’être rien pour l’ego est un cercueil.


Tu étais tout : un amant, un ami, un gourou, un docteur

Un professeur, un père, un frère, un sauveur

Voilà ma violence, celle de t’avoir pris

Pour ce que tu n’es pas et ça, ce n’est pas permis.

lundi 24 mars 2008

Le souterrain

Je suis née en captivité

Et nul ne peut me délivrer

C’est dans ma tête que vit cette prison

Les clés, je les possède, je suis le maton


Dans ce mitard, couleur d’égoût

Enchaînée et prisonnière au fond du trou

Chaque seconde est une tombe

Cruelle, au fond de laquelle je sombre


Dans mon cachot imaginaire

Pas de désirs et rien à faire

Juste guetter du soupirail une faible lumière

Qui balaie une après l’autre, les briques des murs de pierre


Dans ce Royaume funeste règne la peur

L’abandon, le froid et les douleurs

Infligée par un Roi, briseur de rêve, qui règne sur les ombres

Rongé lui-même par ses chagrins sans nombre


Dans ce cloaque où je croupis

Sans un espoir qui me sourit

La mort rôde et me susurre : « Ne bouge pas, ma douce, reste près de moi

Peut-être ne suis-je pas aussi terrible que tu le crois ?»


Parfois de tout mon corps s’empare

Une colère qui me traverse de part en part

Je me lève alors et puis je crie : « Lieu maudit je te quitte, c’est fini

J’ai le pouvoir de te vaincre et loin de toi, je m’enfuis »


Depuis peu, j’ai compris que c’est un leurre, que ce n’est pas ainsi

La force ne peut rien pour se tirer d’ici

Au contraire de se débattre, comme l’insecte pris dans la toile,

Fait pire que bien et donne larmes


Mais de toute façon, je n'ai pas le moindre choix

Prisonnière, je suis, même si c'est une imaginaire Croix

Comme l'insecte, je suis prise, je ne peux que m'abandonner

A la mort, qui m'étreint. Au combat, renoncer...


dimanche 23 mars 2008

Une tite bafouille

J'me sens un tout petit point c'est tout
dans l'univers
.

vendredi 21 mars 2008

Le baume des mots

C’est l’histoire égoïste d’un beau salaud

Qui d’avoir envie de voler plus haut

Lâche sa belle en faisant le saut


Voilà sur le sol, la douce, meurtrie

Son âme troublée se sent trahie

Toute la douleur du monde en elle réunie


C’est l’histoire brutale d’une rupture

Elle, le cœur béant offert dans l’obscur-

ité du silence a mal sans point de suture


C’est sûr que la vie, c’est pas que des pralines

Ni du choco avec de grosses tartines

Mais il y a pour elle, dans ce fini, un sale goût de rapine


C’est l’histoire stupide d’un désamour

Et les princesses c’est sûr préfèrent les toujours

Toujours je t’aimerai, ô mon amour…


Dans le réel, un jour, un serment, il lui donna

Et le sieur, à cette heure, n’en fait pas grand cas

Préférant semer alentours larmes et fracas


C’est l’histoire bancale d’une souffrance

Ô combien seul on est dans cette errance

Avec cette épée en nous qui lance, qui lance


Cette épée soudain elle s’en saisit

Et elle crie « Ton coeur va-t-il se laisser faire,

Mené, une fois de plus, par ton mental autoritaire ?»


C’est l’histoire merveilleuse d’un trésor

Né de leurs différences et de leurs corps

Qui, à ses yeux à elle, valent bien plus que de l’or


C'est l'histoire banale d'un amour...


mercredi 12 mars 2008

Mon 1er Slam !

Instant lucide, instant opaque

Je ne sais mais c’est une claque

Question décor, j’suis dans le tram

En moi il y a des boums des cracs des patatrams

La ville n’est-elle qu’un grand cloaque

Où tout, sous le verni, se craque ?

Qu’est-ce qu’on fout là, ç quoi cette rogne ?

Dans toute la ville, on se croise, on se cogne

Tout ce béton, ces gaz qui puent

Les klaxons, sirènes, la foule dans les rues

Espace enfants, espace santé, espace fumeur

Le manque d’espace est une tumeur

On sort en boîte, et si tu bosses

ç dans quelle boîte ?

Et à la fin, ç là aussi

Qu’on finira on le sait bien

Justement parlons-en de celle-là, la muerte !

Celle que dans les villes, on ne voit pas

L’alcool, la clope, la bouffe, le sexe

Pour lui échapper tout est prétexte

Mon cœur désemparé cherche le sens

Où sont les autres qui cherche l’essence

De leur âme, flottant à la crête des larmes,

Sans armure et sans arme ?

Je porte en filigranes de ma chair

Le rêve d’un monde sans enfer

Et pour trouver ce paradis

J’crois bien que j’dois m’casser d’ici

Je ne verrai plus ces faces de rats

Qui trop souvent m’mettent raplapla

J’irai humer le parfum des fleurs

Papoter près des pois de senteur

Compter fleurette aux papillons

Dans les champs pousser un ptit roupillon


Adieu monde des villes

Bonjour monde des mille et une nuits

Dans tes bras qui m’enlacent

Et dont jamais, je ne me lasse

samedi 1 mars 2008

Fragments de (ma) réalité

Mais dans quel tourbillon de VIOLENCE avons-nous été emportés, nous, les clowns en herbe lors de notre dernier stage? Nous nous sommes pris le bec (mais tu m’emmer… !), nous sommes jaugés-jugés (t’es trop moche !), nous sommes engueulés (je m’en fous !)…colère, dépit, rancune, frustration… Cortège émotionnel issu de la PEUR de se dévoiler (on a beau mettre un nez rouge, tout se voit !). Exploration du côté sombre de la Force. Après la lune de miel est venu le (nécessaire) désenchantement qui nous a fait entrer de plein pot dans la REALITE! Welcome ! Pour ma part, j’ai payé l’entrée par de grosses larmes…

Qu'en est-il du REEL quand il s’agit de télévision ? RTL-Tvi diffuse sa grande messe JTévisuelle à l’heure du repas familial. Images chocs. « Ames sensibles, abstenez-vous » précise le présentateur. J’ai passé outre. Trop tard. Il avait raison. Dans un couloir du métro, quatre gars, filmés par une caméra de surveillance, rouent de coup un agent de la sécurité. Le voilà par terre, il ne bouge plus. Tous s’éloignent sauf un, qui s’acharne. La brutalité qui l’habite est monstrueuse, incroyable. Il saute pieds joints, à deux reprises, sur le corps inerte du pauvre homme. Mon sang bout à la vue de ces images de VIOLENCE. Victime du téléviseur qui déverse impunément son Grand Cauchemar Hypnotique, désormais, la PEUR m’habite d’avoir entrevu la barbarie de nos villes.,

Le lendemain, vision d’un documentaire, diffusé par la RTBF. Autre forme de VIOLENCE: la barbarie à visage technologique. La firme américaine Monsanto, leader mondial de la biotechnologie est en train de transformer la planète en un gigantesque champ expérimental avec ses herbicides et autres semences transgéniques. Coton en Inde, maïs au USA et au Mexique, soja au Brésil, blé, lait… Seule l’Europe tente la résistance mais pour combien de temps ? Des scientifiques témoignent : les OGM surmultiplient les cellules de l’estomac avec la conséquence probable du cancer. Espèces naturelles en sursis, enfants contaminés mourant à petit feu, suicides de paysans. Cynisme à l’état pur de Monsanto qui n'en à que faire, soutenu aveuglément par l’administration alimentaire étasunienne, la Food & Drugs Administration. Histoire de gros sous. Tout qui a vu ce film ne peut qu’avoir PEUR quant à l’avenir de la planète car « qui contrôle les semences, contrôle le monde ». Cette REALITE-là a une tête de cauchemar.

En soirée me voici en voiture afin de rejoindre des amis pour une soirée Slam dans le centre ville. Projet sympa, n’est-il pas ? Mais pas de places de parking à moins de 500 mètres. Déçue, je renonce et décide de rentrer. Morale de l’histoire :
J’avais qu’à pas faire le clown en me laissant impressionner par la télévision !

dimanche 3 février 2008

Pourquoi tu pleures ?

Elle pleure, pleure et pleure encore tite Nadia. De ses yeux s’écoulent, goutte à goutte, des perles de larmes.

Pourquoi tu pleures ?

Je ne sais pas…

La source vive des larmes jaillit, flot continu de chagrin et voici que naissent deux minces sillons sur ses joues. Les sanglots redoublent, gros et lourds. C’est un petit torrent à présent qui dévale sur son visage. Rapidement, les larmes débordent. Tandis qu’elle pleure à gros bouillon, le petit torrent grossit, grossit et emporte tite Nadia dans son sillon.

Pourquoi pleures-tu ?

Je ne sais pas…

Sa voix est à peine audible parmi le tumulte de ses larmes qui se transforment, de rage peut-être, en courants fougueux. Des secousses la ballottent, sens dessus dessous et manquent la faire chavirer. Dans tout ce charivari, Nadia voit d’autres enfants qui sanglotent eux aussi, frêles esquifs emportés dans le fleuve de leur profond chagrin. Chacun dérive et n’a nulle rive où s’accrocher. Alors, il n’y a juste qu’à se laisser aller et glisser sur les flots… au fil de l’eau…

Puis, tout se calme peu à peu. Plus d’heures, plus de jour, plus de nuit, de lune ou de soleil…

Pourquoi tu pleures ?

Je ne sais pas…

Le flot des larmes s’est tari. Nadia a rejoint la terre ferme. Les larmes maintenant sont comptées… une, puis une autre, une autre encore. Voilà, c’est la dernière, en arrêt, perchée sur un cil, elle brille… suspendue… immobile… Une voix douce venue de loin, de la mer qui sait, berce tite Nadia. Tout est calme, silencieux.

Tu ne pleures plus ?

Elle hoche la tête pour dire non. Alors, lentement elle sourit, s’étire, se lève et puis s’en va.

jeudi 24 janvier 2008

Ceci est un sondage !

Bonjour,
En général, que ressentez-vous lorsque vous prenez les transports en commun ?

Pour ma part, ce matin, je fus très éprouvée par un aller-retour Diamant-De Brouckère.
Fichtre, me suis-je dit ! Comme les gens tirent la tronche ! Ca vous le fait à vous aussi ?
Mais en fait, qu'est-ce qui ne va pas ? Chacun a des soucis, c'est vrai mais n'avons-nous pas (quasi) tous ici, ce dont nous avons besoin et même plus ? Evidemment, lorsque les besoins sont satisfaits, se déclarent les désirs... Les contenter tous, il ne se peut... La frustration se pointe... Et dans une société sans transcendance, une société de désirs d'objets (quand je dis "objets", c'est y compris un autre que soit) , patatra, ça rigole pas !

Vous connaissez les free hugs ?
Freehugs sur Youtube
Freehugs sur Wikipedia
Calingratuit

mercredi 23 janvier 2008

Quelques nouvelles du monde... Allo, il y a quelqu'un ?

Dépassé le carnaval de Venise ! Voici le cosplay ou la folie du déguisement à Tokyo.
www.linternaute.com

Train surfing à Johannesburg : "Tu ne peux être que libre lorsque tu n'as plus rien à perdre..."
www.myfreesport.fr

Loi islamique en Indonésie : Nous contrôlons les gens qui dorment ensemble à l’hôtel pour vérifier s’ils sont bien mariés».
www.rfi.fr

Naples : derrière les ordures, la mafia. "Je ne fais plus dans la drogue. Les ordures, c'est de l'or."
www.lepoint.fr

Travail dans les prisons aux Etats-Unis : nouvel esclavage ?
www.solidaire.org