lundi 2 juin 2008

Ayahuasca

Voyage chamanique avec l’Ayahuasca. Ca pourrait ressembler à un cirque touristo spirituel sauf qu’il s’agit ici de médecine dans un cadre ultra sécurisé et guidé de main de maître par deux chamans, T. et F.. Voyage sacré de l’âme. J’ai vécu dans la peau d’un puma, plané avec l’aigle, béni la Pachamama, perçu la danse du cosmos pour la réintégrer dans mon corps, ô extase !, où chaque organe est une planète. Je me suis sentie comblée d’amour, les yeux comme des diamants. J’ai vécu la transe du chant et des tambours avec l’énergie conscience qui montait en spirale et me délivrait mille informations à la seconde, ajna chakra en feu, jusqu’à un espace limite où j’ai crû perdre la raison. Tout va bien, je suis de retour … Les jours suivants le premier voyage, l’intégration s’est faite au sein des différentes strates de mon être et la compréhension poursuivie. Lors du second, suite aux intentions exposées lors du passage du bâton avant la cérémonie, à savoir « to known who I am » and «to open my heart » (beaucoup de néerlandophones d’où la langue de Shakespeare), l’Ayahuasca, grâce lui soit rendue, répond par une image qui se révèle et me met en larmes. Celle de mon père et de ma mère, sur ma poitrine, à droite et à gauche, comme me tétant, âmes malades dont j’ai senti inconsciemment la souffrance lors de mon enfance.

Il m’est demandé de conduire mon père lors du passage de sa mort prochaine. Puis d’accompagner la guérison de ma mère et probablement de ma sœur aussi. J’ajoute l’accompagnement affectif de mon neveu, lui aussi abîmé. Lourde mission mais ma propre guérison du cœur est en jeu.

Grâce au pouvoir de l’Ayahuasca, j’ai vu avec grande clarté que mon père portait le poids d’une enfance trahie. Poignardé en plein cœur par son père, il se munira, adulte, du même couteau, pour, ensuite, ne sachant que faire de sa sensibilité blessée, le retourner sur sa propre famille. Ni vu, ni connu. Perpétuation de la meurtrissure.

Ma mère et ma sœur, elles, portent le poids de l’emmurement résignation – dépression, suite d’une lignée blessée de femmes (exploration menée lors d’une constellation familiale). Ma mère m’a appelée par des surnoms, évitant mon prénom et ce que je suis (« oh, toi et ta sensibilité » me dira-t-elle un jour). Moi je ne me souviens pas l’avoir jamais appelée maman.

Ces deux poisons émotionnels, trahison et non-reconnaissance, se sont intégrés en moi avec pour conséquence une tendance dépressive, un sentiment de séparation et de trahison. Ce dernier se manifeste avec acuité dans la relation amoureuse, qui donne à l’autre le pouvoir de me trahir doublé de la croyance qu’il possède la charge de me reconnaître. Or, je choisis un homme libre qui se défend de cette responsabilité non-sienne. Il n’y a pas de hasard…

M’incombe le travail profond et sacré de reprendre mon pouvoir et de me libérer de cette croyance pour vivre pleinement « qui je suis ». Travail de guérison au prix d’accepter d’ouvrir mon coeur sur l’autel de l’indifférence de mes parents.

Je me souviens…d’un jour de kermesse dans le petit village où nous vivions, ma famille et moi. J’ai sept ou huit ans. Les forains ont installé leurs caravanes sur la place de l’église. La boucherie familiale est aussi sur la place. Je suis dans le magasin avec ma mère et mon père saoul qui la menace de sa monstrueuse violence. Je suis en souffrance de sa détresse à elle. Il veut que je m’en aille et je vois ses grosses mains pleines du sang des animaux, prendre de l’argent dans la caisse et me le donner pour que j’aille « m’amuser ». Moi, je ne veux pas quitter ma mère. J’ai peur pour elle. Je pleure et résiste, m’accroche à elle. Mais elle me repousse et se joint à lui pour que je parte, pour me préserver ? Il me faut céder et me voilà, avec, dans les mains, l’argent des jeux souillés et morbides de mes parents, l’argent qui me permet d’aller « m’amuser ». Je me revois encore refermant la porte, fuir le cauchemar en m’élançant, le cœur déchiré, vers les carrousels. J’ai envie de vomir. Un poids de solitude m’étreint. Il me faut faire bonne figure parmi les autres pour vivre les joies de la chenille fantôme et autres auto-tamponneuses. Tout sonne faux sur fond de flonflons et de musique qui hurle à tout berzingue. En pensant à ma mère là-bas avec lui, je me retiens de pleurer. Qui sait quels abîmes se cachent parfois derrière le visage souriant d’un enfant aux yeux tristes?

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