En face de moi, douze petites mirettes grandes ouvertes : « Ah te voilà avec tes livres et tes histoires ! » Quelques semaines déjà que je retrouve ces petits élèves de « La Farandole. Leurs mines réjouies augurent du bon moment que nous allons passer ensemble. Dans ce petit coin de l'école qui nous est réservé, avec pour passe magique ces quelques mots sur des pages, quelques jeux de doigts et des chansons, j'ai l'immense privilège d'être à leurs côtés. Je les observe et c’est un régal : petits hommes et petites femmes en devenir... Que de fraîcheur dans ce monde de l’enfance !
On commence à se connaître et je les vois s’ouvrir et laisser apparaître qui ils sont vraiment… Tanita, d’abord timide et silencieuse, lâche peu à peu sa réserve et se découvre jouette et charmeuse. Au contraire de Yousra, la fonceuse, qui se révèle calme et câline. Aujourd’hui, elle manifeste, par une mine boudeuse, son mécontentement : elle n’aime pas trop ce premier livre et d’ailleurs, elle n’a pas tort : il n’est pas bien terrible, trop de longueurs, de détails qui ne font pas forcément mouches. Pour le second qui s’intitule « Devine combien je t’aime », un plus grand, Brian, six ans, s’exaspère : « C’est un livre de bébé ! » tandis que Yannis, quatre ans, se pâme de plaisir. Et puis il y a aussi, Héline aux grands yeux bleus écarquillés, un pied avec nous dans cette petite salle aux coussins et l’autre au pays des elfes. La rondelette Rossio, elle, comprend l’intrigue trois lignes avant tout le monde et se gondole finement. Alexandre, à l’humour psychopathe et aux délirants désirs de destruction dévoile le preux chevalier qui est en lui, venant à ma rescousse pour rétablir un peu de silence quand il y a trop de bruit. Et enfin Sillas, la grâce même, qui, probablement, déchirera des cœurs, plus tard…
L’attention est soutenue : questions, commentaires, anecdotes entrecoupent la lecture, et le public exigeant, qui se laisse emporter par le récit ou pas du tout : visages radieux ou fermés, pas de triche. A chaque instant, les émotions surgissent par vagues successives. On rit à gorge déployée puis c’est l’ennui qui se pointe et on se couche. On se bouscule (c’est ma place !) ou on s’aime (embrassades et bisous) ou on est fâché et on se le dit haut et fort ! Point de gendarme ici (pas trop mon genre), l’atmosphère est au jeu et parfois même au chaos mais tout de même, quelques règles pour la forme : écouter un minimum, ne pas faire mal à son petit copain et aujourd’hui ce fut aussi : ne pas se mettre nu ! Pris par un désir narcissique soudain, Sabri, tente de capter l’attention de tous par un effeuillage de ses couches vestimentaires. Il n’en rate pas une, celui-là pour se faire remarquer !
Et puis c’est la fin, je ferme le troisième livre et tourne la manivelle de petite la boîte à musique, qui, je m’en étonne chaque fois, les mène dans une douce transe.
Quelle expérience vivent-ils lors de cette rencontre lecture ? Qu’en retirent-ils ? Pour moi, c’est de plus en plus clair : l’aisance, d’être avec eux, comme eux presque, me permet de donner et de recevoir tout autant. La frontière s’estompe entre l’adulte qui offre et les enfants qui reçoivent. D’eux vient l’enseignement : vivants sans masque, je vis, moi aussi, des instants sans masque. Précieux cadeau que cette heure hebdomadaire à « La Farandole ». Merci petits chéris !
1 commentaire:
Parfaitement touchant ! Lorsque, pris par l'aisance d'une parole profonde, l'endophorie devient de l'euphorie ... :-))
Enregistrer un commentaire