mardi 23 juin 2009

Le temps de la petite cafetière


Voici venu « le temps de la petite cafetière »
Le temps des petits déjeuners sans toi.
Heureusement, elle a une bonne tête un peu cabossée que j’aime bien,
A défaut de voir la tienne aux yeux gonflés de rêves et de sommeil.

Plutôt que de perdre mon regard dans le tien,
Ce sera vers le ciel et les arbres que je le tournerai.
Ils sont beaux eux aussi…
Leurs chants doux et calmes me berceront
Et qui sait, me donneront des nouvelles de toi ?

Voici venu « le temps de la petite cafetière »,
Qui sifflera sa mélodie caféïnée,
Accompagnée de la clope matinale (merci, sic !).
Ce ne sera plus cette drôle de mélodie, « syncopée » as-tu dit,
Composée de rythmes métaphysiques dès dix heures du mat !

Temps présent, au cœur ballotté,
Avec aussi forces vives et nez à l’aventure,
Est-ce un "au revoir, à bientôt ou adieu" ?
Inch Allah…

vendredi 12 juin 2009

Fondation

D’abord, un léger gémissement et une couleur ; rouge pâle presque rose. Puis, un râle rauque et faible et une crispation dans les mains et les pieds. Des mots : « J’ai peur...je ne veux pas sortir ». Un corps recroquevillé. Maintenant, je vois le petit personnage. Il est nu, vulnérable, dans une marée de rouge et de glaires blanches. Les chairs au tour de lui deviennent des lames coupantes. Il n’ose bouger. Sa seule perspective est de se tenir le plus petit possible, le moins existant possible. L’univers est menace et solitude. Le tréfonds du tréfonds de la vie, avant de naître : la peur d’exister. Docteur Jung, qu’en pensez-vous ?

mercredi 10 juin 2009

Félicie Dumoulin


Sur la place du village, elle sortait une chaise et s’installait sur le seuil de sa maison. Elle nous regardait, nous, les enfants qui jouions et elle souriait de nous voir. Son sourire était tendre et parfois taquin, avec les yeux qui pétillent comme si elle avait le même âge que nous. Elle avait de beaux yeux azurs, clairs et très purs. Elle était bonne comme la vie, comme quand on se sent relié à "plus grand que soi". Elle avait le goût des choses simples : cuisiner un bon repas avec les légumes de son jardin, tenir la maison propre, regarder un film comique à la télé… Une vie réglée comme une horloge, avec des rhumatismes plein le corps qui la faisaient souvent se plaindre des journées de pluie.
Je ne passais pas un jour sans la voir, sans aller grappiller quelques friandises ou un peu de sa cuisine que j’adorais (ah sa mayonnaise! ) mais au fond, que savais-je d’elle ? Etait-elle gaie ? Etait-elle triste ? Se sentait-elle seule de n’avoir pas eu d’enfant et d'avoir été veuve alors qu’elle était encore jeune? Quand elle parlait de son mari, je me souviens qu’une larme perlait dans son regard. Elle avait du l’aimer très fort. En tout cas, il lui manquait.
Nous, mon plus jeune frère et moi, aimions aller chez elle. C’était doux et chaleureux comme elle, avec parfois un brin de fantaisie aussi. Nous nous faisions du bien mutuellement : nous qui étions un peu ses petits-enfants et elle, un peu notre grand-mère. Mais c’était une époque (ou était-ce dans ma famille ou venant d’elle ? ) où les liens de sang primaient sur les liens de cœur. Une certaine distance devait rester entre nous.
Je l’ai revue des années plus tard. Elle avait du quitter sa maison dont elle ne pouvait plus s’occuper pour rejoindre le home pour personnes âgées du village. Elle devait y connaître tout le monde et c’était tout près de son ancien chez elle et puis il y avait l’église pas loin et une chapelle attenante au home. Car elle était très croyante, amoureuse même : de Jésus. "Bigote" disait mon père, lui, qui avait plutôt fait le choix de la bière pour se consoler.
La dernière fois que je l’ai vue, c’était dans sa petite chambre. Elle avait recréé son univers dans ce 10 m2. Mais quelque chose était brisé en elle. Elle se languissait de partir, plus ardemment encore. Elle se demandait si la mort ne l'avait pas oubliée. Elle me disait aussi « comme tu étais une gentille petite fille» en repensant à ces difficiles années de mon enfance. Nous étions très émues toutes les deux.
Toi aussi, Félicie Dumoulin, tu étais si gentille. Je le mesure à quel point seulement aujourd’hui. J’espère que, même si je n’en avais pas conscience, tu as senti tout l’amour que j’avais pour toi. Alors, je ne pouvais pas dire ces mots-là. Pudeur d'adolescente ? Je devais avoir dix-sept ans et toi nonante.
J’ai un immense chagrin ce soir de repenser à toi et puis je te demande pardon.
J’ai tellement honte de n’être pas venue te faire un dernier adieu lorsque tu as rejoint la terre qui t’avait enfantée. Et d’ailleurs, où étais-tu née ? Où avais-tu grandi ? Et ton mari, où l’avais-tu rencontré et à quel âge ? Etait-il gentil avec toi ? J'ai juste en mémoire une photo de toi, tu étais adolescente: tu apportais le lait aux gens dans le village avec une charrette et un grand chien blanc qui la tirait. C'était une autre époque !
Vois, je ne sais pas grand-chose de ton histoire mais j’ai bien connu ton cœur et la douceur de ta peau, comme celle d’une pêche. Je ne m’inquiète pas pour toi tant si grand était ton désir d’aller rejoindre l’au-delà. Je t’accompagne un instant là où tu es, si chère, si tendre, si aimée Félicie Dumoulin.