dimanche 25 octobre 2009

Destinées


Lignée de femmes effacées d’elle-même, sans destin ni existence propre, avec pour seul royaume le monde domestique, vide de sens. Errance au quotidien dans un univers, physique et mental, clos. Je fais partie de cette lignée; grand-mère, mère, tante, soeur... Survivante et consciente de l’être.
Oser dire qui je suis, peu importe le véhicule et franchir le barrage qui sépare d’une existence en retrait, nourrie par et pour les autres, à celle propre à soi, dans la lumière, au contact du Réel, voilà ce qui me pousse, me tiraille, me tenaille, me titille, me déchire, m’écartèle, …
Mettre en prières, en images, en mots et en voix le silence subit de ces femmes et des autres semblables à elles, les faire renaître, transformer ce poids mort de l'ombre de leur destinée, traduire leur vie de patience et de renoncements, tout en tissant la mienne... Accueillir en mon sein leurs chagrins, afin que jaillisse la Joie... Enfanter à ma façon... Aimer, traverser le désir et la peur qui s’entremêlent et dire Oui à la Vie… Voilà le fruit de ce qui m'a été chuchoté ce matin, à l'aurore...

mardi 20 octobre 2009

Un enfant n’a rien dire, il obéit!


A la suite de la vision de la Palme d'Or de Cannes, "Le ruban blanc" de Mickaël Haneke (allez-y, c'est très bien, d'une plastique classieuse), j'ai écrit ce texte...

Je me rappelle mon père disant vouloir nous dresser, nous, ses enfants, comme si nous étions des chiens.
Ce regard de violence m’a longtemps semblé justifié. J’étais un être mauvais. La colère m’entraînait à l’effronterie, à la querelle. Mon père, à coups de claques, de brimades et de voix menaçantes, prenait le rôle de les faire cesser, de stopper leur intensité dévastatrice. Tout était pour le mieux dans un monde détraqué.
Mais l’adolescence a renversé la perspective. Etait-ce si juste de nous imposer par la violence de ravaler notre colère ? N’avions-nous, n’avais-je pas le droit de ne pas être d’accord ? N’y avait-il pas d’autres moyens ?
En grandissant, mon regard sur le monde s’est élargit. Je compris qu’il avait s’agit pour mon père de reproduire le système qu’il avait connu lui-même : « Un enfant n’a rien dire, il obéit. » Tout comme moi, il avait dû ravaler bien des larmes de cette injustice subie.
Contrairement à cette forme d’éducation basée sur le pouvoir du maître sur ses sujets-objets, je sais, nous savons de plus en plus que d’autres voies sont possibles : celle de l’expression de chacun dans l’écoute, celle de la communication non-violente, celle de l’éducation aux émotions.
Mais je me demande …
Pourquoi, durant tant de siècles, le pouvoir des pères a-t-il été si grand, si souvent monstrueux ? Pourquoi l’enfant est-il considéré comme mauvais et pervers plutôt qu’apprenti dans la vie ? Pourquoi ce regard de violence plutôt que d’amour ? Pourquoi Freud lui-même, découvrant l’inconscient, en vient-il à le nommer « obscur et destructeur » car non raisonnable ?
J’entrouvre la porte…ça grince…haine du féminin, du dedans, du non maîtrisable, de l’inconnu, de la mort…

lundi 12 octobre 2009

Le Rêve



Ce texte (s')est écrit à la suite de la lecture du livre "La maîtrise de l'amour" du chaman, Don Miguel Ruiz. Lire aussi "Les 4 accords toltèques", qui fait partie de mon top 5 des livres. Tous deux aux Éditions Jouvence.

Il était une fois une petite fille, toute nue, qui éclôt sur la terre un 4 avril. Elle était douce et rosée comme un champs de coquelicots. Un jour, elle tint toute droite sur ses deux pieds, alors, avec son cœur en médaillon, elle s’élança dans la vie. Elle prit des coups, tomba et se releva, toujours confiante. Elle en prit d’ autres, tomba, se releva, un peu moins confiante. Ainsi de suite jusqu’à ce que la confiance et elle se séparent. Toute tendre en dedans, elle vit qu’au dehors, ce ne l’était pas autant. Il fallait obéir, se taire, subir. Jamais elle n’était assez parfaite. Elle connu l’injustice de s’offrir mais de ne pas être vue, l’injustice de subir la violence sans pouvoir se défendre, l’injustice de n’être pas consolée dans les bras chauds d’une maman… D’injustice en injustice, son corps du dedans se couvrit de plaies faites de larmes ravalées et de colère refoulée. Sa peau restait lisse mais ses yeux, miroirs de l’âme, étaient voilés de chagrin. Peu à peu, elle se fâna, elle n’osa plus être qui elle était vraiment et même elle se dit qu’elle avait tout bien mérité. En somme, qu’elle était une ratée. Dans sa tête, elle quitta le monde des hommes : trop dur, trop âpre. Son masque se mit en place, histoire de faire semblant, histoire qui sait ?, de ramasser quelques miettes de sourires partagés.
Elle s’envola dans son imaginaire, se construisit un univers secret. Dans la nature, elle s’ouvrait, se sentait fleur parmi les fleurs. Elle parlait aux libellules, aux vaches , à la rivière et aux chiens, qu’elle aimait particulièrement. Surtout les laissés pour compte auquels elle s’identifiait.
Puis elle grandit, devint adolescente. Son visage se couvrit de boutons. Les plaies se dévoilaient au grand jour. Pas facile pour rendre les baisers des garçons qui, malgré son air farouche, osaient s’approcher d’elle. Ils lui demandaient : « Qui es-tu ? ». Elle rougissait, ne pouvait répondre, c’était flou à l’intérieur.
Un jour, il y en eu un qui s’accrocha et réussit à franchir le mur d’embûches qu’elle avait dressé autour de son cœur. Ils se plurent beaucoup mais peut-on vraiment aimer l’autre et la vie quand on ne s’aime pas soi ?
Devenue femme coquelicot, elle vit que ses pétales étaient malades : elle prit conscience des plaies qui réclamaient guérison. Les symptômes étaient : de ne savoir qui elle était, de ne savoir où elle allait, de ne savoir où était sa place, de chercher des réponses, en vain, sans pouvoir s’arrêter, de ne savoir aimer…
Munie de ses armures, elle prit le chemin de retour vers les hommes. S’il lui fallait rester, autant vivre pour le mieux, se dit-elle. Elle vit que le monde n’était pas plus tendre qu’autrefois et elle comprit qu’il était le fruit du Rêve des humains, à qui, comme elle, on avait menti et qui ne s’aimaient pas (encore ).
Elle fit le chemin inverse et une à une, ses plaies se dévoilèrent. Reconnaître la plaie, l’ouvrir, traverser le mal, la désinfecter avec beaucoup d’attention et d’amour (avec l’aide des Anges), laisser cicatriser, tel était le processus de guérison. C’était long, douloureux mais au bout du processus l’attendait la Joie, la Vérité, la Paix, l’Amour … ainsi qu’un énorme merci d’être née.

lundi 5 octobre 2009

Sur le quai

Je suis là sur le quai du métro.
Non pas là, quelque part ou ailleurs.
Non, « je suis » à chaque millième de seconde, là, sur le quai du métro.
Je sens la plante de mes pieds déposés sur la terre.
Le contact est doux, souple et goûteux.
Mon corps est réceptif à l’espace.
Contenu en lui.
Une ligne de clarté me traverse depuis le sommet de la tête jusqu’au sol.
De même dans le sens inverse.
Je contemple et je sens.
Je vois, hume et perçois le spectacle de mes congénères terriens.
« Nous sommes embarqués »
L’espace est contigu, une centaine de personnes sur le quai, de quoi faire surgir l’atavique en nous.
Défense instinctive dans le regard, dans les mains, les épaules.
Nous tous, sur ce quai, sommes soumis à des tensions territoriales intenses mais l’éducation nous contraint à repousser la libération de celles-ci.
Le corps encaisse les tensions, avec au sommet, la tour de contrôle, le mental, en position d’hyper vigilance.
Défense-agressivité ou fuite: hier ou tout à l’heure en copié-collé.
Fascinant spectacle de non présence à soi-même et donc forcément aux autres.
Banal spectacle d’une ville à l’heure de pointe.

« Quoi d’autre(s) possible(s) ? » demande le quidam.

TOUT embrasser.
Le bruit, les autres.
Le corps bousculé ou fatigué, peut-être qui a faim.
Les soucis au boulot ou à la maison.
Le sentiment d’impuissance ou d’inutilité.
L'esprit en déroute.
L'âme qui vacille.
TOUT aimer.
Sourire et voir la beauté d’un visage qui sourit en retour.
Ce monde là est en marche…