samedi 29 novembre 2008

Le sentiment de solitude

Se sentir seul(e), chez soi ou dans les rues, c’est se représenter coupé de Dieu et des hommes alors que réellement, c’est de soi-même que l’on est séparé. En fait, sous le sentiment de solitude se cache, comme dans ces poupées russes, un autre sentiment, celui de l’abandon qui lui-même contient la peur, celle de la disparition. Le mental opère cette coupure. Flot de questionnement: « Personne à mes côtés, pourquoi ? Ne suis-je pas aimable, fréquentable ? Quelle infamie ais-je commis ?»
Pour fuir ces questions, le plus souvent, la tentation est là de s’entourer d’amis, d’occupations, de distractions et, ou, de fidèles mais trompeurs alliés que sont l’alcool et les drogues consommées à l’excès…
Pourtant, un jour ou l’autre, ou peut-être jamais pour certains êtres exceptionnels, le sentiment de solitude surgira avec son implacable questionnement. Un jour, voilà, ça y est, j’ai tout fait pour ne pas la connaître, mais la voici, la profonde solitude. Que faire ? La fuir ou y faire face ?

Cette journée, je l’ai vécue en proie au sentiment de solitude. Pas d’amis ou de rendez-vous, pas de drogues puissantes, juste quelques cigarettes. Dans ma tête, le mental a tenu de longs discours. Mes divers personnages se sont engagés dans des conversations mornes ou passionnées. J’ai prononcé quelques phrases lors de menus achats, croisé des visages et rencontré des arbres aussi, lors d’une promenade en forêt. La solitude m’a suivie, patiente et souterraine, sachant qu’assurément, à un certain moment, nous allions nous retrouver, seule à seule. Elle a surgit lors d’une séance de cinéma, alors que je tentais de l’éviter. Le héros, confronté à la mort de sa femme, découvre une autre façon de vivre, sans plan, dans l’instant présent. Le film tel un miroir, me confrontait à ma propre vie. J’ai vu que je souffrais encore de ne pas me sentir aimée, de n’être pas plus heureuse, plus jolie, plus entourée. La preuve en était : être là, seule, un samedi après-midi, au cinéma. Puis dans une couche plus profonde, j’ai senti la mort de mon père en moi, la mémoire destructrice qu’il m’avait léguée, qui s’effilochait et se détachait. Je sentais disparaître la haine que je croyais être mienne. Les larmes ont coulés, encouragées par la musique du film, assez sentimentale. Et puis, la fissure du cœur s’est produite ou peut-être est-ce sa dilatation ? L’amour et la beauté de la vie, y compris l’amour et la beauté de moi-même, pour moi-même, telle que j’étais là maintenant, ou serai ou ai été. D’apparence belle, pas belle, seule, pas seule, jeune ou vieille, avec mes (nombreux) défauts et mes (quelques) qualités ; acceptation de « qui je suis » comprenant le lot étiqueté ; Nadine, 42 ans, née à Verviers, vivant à Bruxelles, travaillant à la rtbf, aux cheveux châtains, copine de…, soeur de…, de père appelé…le tout ! Espace de joie et de complétude, sentiment d’unité.
Je suis sortie du cinéma et dans les rues, les pieds bien ancrés dans le sol et pourtant flottants à 2 cm, accompagnées de mes meilleures amies : la solitude et moi.