dimanche 28 février 2010

Plume

D’abord il y eut un premier contact. C’est dimanche matin, au réveil, rien ne presse sous les draps. Puis surgit une pensée qui bondit, court et s’écrie « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! » tout comme le lapin blanc dans Alice au pays des Merveilles. Je lui demande « Mais où ça ? » « Loin d’ici, loin de maintenant ! ».
Ça me chipote. Là, maintenant, ce sont des draps doux, la chaleur de la couette, le moelleux des muscles qui s’enfoncent dans le matelas comme dans un sable chaud.
Décalage. Pourquoi prendre la fuite alors que c’est ici, à cet instant, à cet endroit que je jouis d’être ? Je vois à quel point cet « ailleurs » est pure illusion. Toc, toc, y a t-il quelqu’un dans cette totale construction imaginaire ? Il n’y a personne…

Deuxième contact, un peu plus tard, sur le tapis de méditation. Espace plus intime, j’en dirai peu, juste assez pour que les mots ne blessent pas, ne déchirent pas le fin tissage.
Les pensées tournent en rond. Elles s’accrochent à un endroit précis du passé. Qui n’est plus. Illusion à nouveau. Je reviens dans la sensation de l’instant présent. La peur surgit « si tu lâches, tu perds ce à quoi tu t’accroches ». Je connais ce chemin. C’est un faux-semblant, un trompe l’œil, un simple voile à traverser. L’ego doit céder. Pour lui, c’est une mort. Un saut dans le vide.

Alors c’est là, l’origine et la destination. Là, ça ne pense pas, ça écoute, ça pressent. Au sein du silence, il y a des rires, légers, qui volettent comme des lucioles. C’est délicat comme une plume qui danse dans l’espace et prend l’infini du temps pour caresser, tout doux, le ciel et la terre.

mercredi 24 février 2010

Génogramme


Du dedans, elle perçoit son arbre généalogique sens dessus dessous. Ses ancêtres, peut-être ne veut-elle pas les sentir en elle ? Alors, elle flotte entre deux mondes, légère et pour peu que passe un tourbillon, la voilà emportée nulle part, en petits morceaux. Difractée. Parfois, elle se sent sur un pont de cordes, entre deux rives et le précipice lui chatouille les yeux. Elle ne sait où aller.
Un jour, en elle, l’arbre se retourne. Elle a vu ses racines plonger dans la terre qui brasse, aime et accueille. L’alchimie peut opérer et le plomb muter en or pur. Les manquements, les turpitudes, l’offense et la trahison se dissolvent dans la matrice où l’humus nettoie. De ce sol nourricier, l’arbre se nourrit, grandit et se gorge de sève pour se dresser vers le ciel, droit. Des racines célestes captent la lumière. Les fruits qu’elle croyait pourris reçoivent le respect qui leur est dû. Ils sont dorés maintenant. Ils portent le signe des princes et des princesses. Leur chant est harmonie, leur danse honore la terre et le soleil. La nuit, ils sont des astres qui comme leurs sœurs étoilées, dessinent une spirale dans un monde spacieux.

mercredi 17 février 2010

Coeur à nu


La douceur de sa peau me surprend.
Sa main douce dans la mienne, je regarde mon père et lui aussi me regarde. Une question presque une imploration vibre au bord de son regard. Peut-être est-ce de se sentir partir vers un ailleurs qu’il redoute?
Je le sens perdu. Sa minceur de vieil homme malade me touche.
Peu de mots franchissent nos lèvres, lui, disant qu’il croit pouvoir s’en sortir. Moi, de l’encourager à reprendre des forces. Des mots inutiles car dame Mort sait quand l’heure sonne juste pour chacun.
Entre les mots, du silence et nos regards qui en disent long…
Malgré la maladie, malgré sa difficulté de partir, malgré l’émotion qui balaie les souvenirs, quelle paix et quelle joie pour moi d’être auprès de mon père.
Longtemps redouté, le voici le cœur à nu, dépossédé par la colère. Les barrières sont rompues, je peux l’approcher et être là à sentir sa présence et son absence, bientôt.
Ma mère, cinq minutes plus tôt, me disait combien elle souhaitait mourir vite, presque par accident.
Pourtant comme ces moments sont précieux sur le fil de la vie.
Nos histoires se sont emmêlées. Il a joué son rôle dans la mienne, moi dans la sienne. Ce furent des moments parfois complices, souvent très rudes. Quelques sourires vite masqués, souvent des larmes et des mots qui font mal. Qu’il me permette de l’approcher et les drames s’effacent, les meurtrissures se réparent.
On se regarde. Il est ému. Je suis heureuse de ce moment et je lui dis merci. Puis au revoir car c’est ainsi que l’on dit même si on ne sait si ce sera le cas.

lundi 15 février 2010

A l'intérieur.

Ce matin, trônant dans un paysage où le gris gris faisait l'amour au gris foncé, un vieux chêne m'a dit " Le soleil est à l'intérieur."
Et je l'ai senti...

samedi 13 février 2010

La réponse


J’apprends à danser sur le fil de la vie, sans filet. Funambule, je contemple les ravins où je peux tomber, les sables où je peux m’enliser et les cages dorées où je peux m’enfermer. Je franchis le voile des larmes, voici le monde coloré du présent. Face au futur, le vertige me prends : que vais-je devenir ?
" Telle que tu es, reliée au fil d’or, tu goûteras la vie » chantonne le merle, bec au vent.
« N’ais-je rien à craindre? »
« Tu connais la réponse. » répond mon cœur, cette fois… « Tu n’as qu’à aimer. »

vendredi 12 février 2010

Rien de tel


Rien de tel que le froid qui fouette pour remercier la chaleur moelleuse d’un feu de bois.

Rien de telles que des racines profondément amoureuses de la terre pour s’envoler vers le ciel radieux.

Rien de tel que le brouhaha du jour pour mesurer l’intense silence de la nuit.

Rien de telle que la solitude pour voir la beauté de l’âme dans un regard.

Rien de telles que les larmes pour que perle le cœur.

Rien de telle que la différence pour découvrir qui l’on est.

Rien de tel que d’être sans espoir pour goûter chaque instant.

Rien de tel que d’être sans savoir pour sentir le corps vibrer.

Rien de telle que la séparation pour ressentir la présence.

Rien de tel que d’avoir été ignoré(e) pour brûler du désir d’exprimer.

Rien de tel que de se vivre démuni pour que chaque geste s’emplisse de gratitude.

Rien de tel que de n’être rien pour s’émerveiller de la vie.

mercredi 3 février 2010

Mon seul pouvoir


Mystère de ces fils que nous tissons les uns avec les autres…
Un nouveau se crée, un ancien s'effiloche. A chaque instant, renaissance et mort. Lesquels de ces fils resteront gravés en notre âme ?
Les souffrances sont de passage. Le cœur est toujours là.
Toutes ces images de mon lien avec toi, une part de moi, celle de l’ancien scénario, voudrait les retenir. Mais ce pouvoir n’existe pas. Gravées dans le sable du temps, elles s’effaceront et perderont peu à peu leurs couleurs. Reste l’amour, ineffaçable.
Je ne décide de rien.
Mon seul pouvoir est de choisir de lâcher-prise ou de serrer les dents. Mon choix est clair car aujourd’hui, je sais deux choses :
La première est que la vie est plus riche que tous les scénarios que je peux construire.
La deuxième : Dieu nous aime infiniment.