mercredi 10 décembre 2008
Le saut
« Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… ». Saut dans le vide. Les verrous de sécurité ont lâché, voici venu le temps de la chute. Profonde incertitude. Personne pour dire : « Oui, alors la chute va durer dix secondes, trois minutes, cinq heures, vingt jours ou deux ans… ». Ni pour savoir où je vais atterrir ? Sous quelle forme ? Et si même il y a un sol ! Que dalle, nada, niente. Dépression. Etrange sentiment alors que tout, à l’extérieur, semble calme, sans danger qui menace. Tout est bien là, le monde , cahin-caha : les gens, les immeubles, les occupations, les mines grises, les rires rares, le froid… Normal. Mais, lancinante, revient la phrase : « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… » Témoignage d’un doute, d’une menace invisible qui ne lâche pas. Dans cette journée où le soleil pointe son nez, je perçois, comme sous le voile, une dimension plus sombre où se tapit le sans forme : dissolution, perte, folie, mort. Mots redoutables et pourtant leur existence même repousse encore l’inéluctable … Le saut dans le vide. Tôt ou tard, sans aucun choix possible sinon de fuir la peur qui colle comme une ombre, se laisser tomber dans la nuit de l’âme où l’on ne sait plus rien.
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4 commentaires:
Oui, très beau ton texte, rythmique parfaite, mais qui suis-je pour juger ? Et l'ignorance sans fond du puits d'ombre, c'est la condition de la connaissance ... reçue. Il y a cette histoire aussi, avec le riche, le chameau, et le chas de l'aiguille. C'est l'initiation de Pluton, dieu de la mort, détenteur du principe d'humilité, et porte d'accès au monde divin.
Merci pour ton appréciation ! C'est dingue comme cette initiation peut me sembler si proche parfois, à fleur de peau et à d'autres moments, si abstraite et irréelle comme un fantasme. Et toi ?
Difficile à dire ...
Je pense qu'il y a une sorte de respiration, d'oscillation entre le plan de l'expérience sans conscience (hum ... sorry pour l'oxymore) où l'on palpe la perplexité et la confusion, et le plan où cela se dénoue, et où la clarté fait jour. Mais si l'on admet que la clarté est omniprésente - sans variation - la seule variable alors, c'est la densité de l'objet psychique, et (proportionnellement à cette densité) notre degré d'identification à lui. En somme on pourrait dire que l'oscillation entre les deux plans de l'expérience est comme la pulsation interne de l'objet lui-même.
Evidemment, quand on a affaire avec Pluton, on a affaire avec un objet psychique de densité maximale ...
Je dis "on", et "nous", mais je veux surtout dire "je".
En guise de conclusion temporaire, voici un joli oxymore (il n'est pas de moi)qui me semble propre à cette expérience: le silence assourdissant...
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