mardi 29 septembre 2009

Au centre du Maelstrom


J’aime si mal, du haut de mes trois pommes.
Dans la nuit de ma blessure,
Je me crois seule et abandonnée.
Nulle raison ne peut plus apaiser le chagrin,
Coulent larmes, larmes…
Sentiment de trahison, d’injustice, d’impuissance
Occupent tout l’espace de mon être.
J’implore d’être sauvée, l’amour qui me délivrera.
Béance et puits sans fond de la soif d’être consolée.
Je ne souhaite plus que de mourir…
Démission de ma lumière, trahison de moi-même …
Ouroboros.
J’aime si mal... mais la vie m'apprends à chaque instant.
L’amour est un don,
Pour soi, pour l'autre, pour l'univers, pour rien.
Gratuit, il ne réclame rien, il est fluide non saisissable.
Il n’appartient à personne, il s’offre à chacun.
Le moment du choix se précise de plus en plus clairement pour moi :
Le chemin de l’amour ou celui de la peur.
Pas à pas, tel un funambule sur le fil au centre du maelstrom,
J’avance sur le chemin de l’amour, vaillamment, coeur ouvert...

jeudi 24 septembre 2009

Passion


Je me rappelle avoir vécu une passion : le violon. Je jouais une heure par jour, chaque matin, des gammes et puis des extraits d’œuvre à déchiffrer puis à interpréter. Je prenais un cours chaque semaine, en plus du solfège et j’allais très souvent au concert écouter des œuvres classiques ou contemporaines. C’est assez réjouissant quelqu’un de passionné, il semble heureux, on se réjouit de sa réjouissance. Et pourtant, quand je me repense à cette époque, je sais que j’étais nettement plus « dans le gaz » qu’aujourd’hui malgré les doutes et les tourments qui ne ratent pas l’occasion de croiser mon chemin. Je m’activais, oui, mais je fuyais tout autant.
Dès qu’il y a « action », se pose ou devrait se poser la question : qu’elle en est l’intention ? Fuir la solitude, s’échapper de l’incertitude, de la peur, du manque ou au contraire se laisser guider par la perception de ce à quoi l’âme aspire ? Répondre au réflexe conditionné du trio victime, bourreau, sauveur ou répondre à la soif de beauté, de justice et de paix ? Soif que l’on sait par ailleurs inassouvissable dans la continuité mais qui, en même temps, tend vers Celui qui en est l’origine et la cause. L’agir est alors offrande et non plus fuite, gratuité plutôt que possession, prière plutôt qu’objectif. L’agir est alors Jeu divin.
Je me rappelle combien l’idée de me sauver de la piètre image de moi-même alimentait le moteur de « jouer du violon ». Aujourd’hui, je sais, je vois que mon action est encore teintée de fuite. Et si la tristesse ou la rage s’enchaînent à ce constat, il s’agira de la fuite de la fuite…retour à la case départ. « Je » dans le labyrinthe. Une sortie possible du labyrinthe ? Non, pas. La sortie est, à nouveau, fuite. Que faire alors ? Rien de particulier. Patiemment, dénouer les fils, sans se presser, sans rien espérer et au rythme gracieux de doigts délicats, tisser un nouveau dessin dont chaque fil est Son Œuvre.

mercredi 23 septembre 2009

Tryptique


L’ogre

Il est dans le fond de la salle où se déroule un spectacle des enfants de l’école communale. Il se tient à l’écart. Assis, tranquille, il sirote une bière. Ca, c’est ce que l’on peut voir de lui à l’extérieur. A l’intérieur, son corps est tendu à la recherche d’une proie.
Il est l’ogre, l’homme sans cœur, ni conscience. Il est le psychopathe sanguinaire. La violence qu’il ressent jusqu’au bout de ses doigts lui donne envie de tuer, d’enfoncer une lame dans un corps tendre. Cette pensée lui donne un avant-goût de jouissance. Il doit le faire. La tension est trop forte. L’appel du meurtre le tenaille. Et puis, la victime ne le réclame-t-elle pas ? Il a vu dans les yeux de certaines, combien elles avaient désiré l’annihilation d’elle-même. Il a vu dans leur regard la peur mais aussi le soulagement, voire de l’amour. L’amour ça le fait gerber. C’est mou, c’est baveux, ça réclame. Sa femme, il la mate. Il lui impose sa loi. Sa soumission est seule requise.
Il attend. L’union par la mort et le sacrifice s’avance. Il sait que la prochaine petite garce va le reconnaître. Elle va frissonner, tressaillir et sa peau dégagera un parfum qu’il repère entre tous. Le parfum de l’effroi. Alors, il n’aura plus qu’à tendre son piège, à l’attirer vers lui comme un papillon de nuit vers la lumière. Alors, il crèvera ses yeux et les noces au sein des ténèbres s’accompliront.

La folle

Dans la salle nickel blanche de l’institut, elle bave. Ses yeux sont fermés, sa tête est penchée vers l’avant. Elle est debout et ses mains recroquevillées dessinent des formes dans l’espace, danse mystérieuse au sein du silence. De temps en temps, elle éructe quelques sons. En elle, il y a des vagues qui la font tanguer. Là voilà qui pleure à petits soubresauts. Puis elle se balance. Elle sent le haut de sa tête prête à éclater et c’est vide dans son ventre, juste sa tête douloureuse comme resserrée par un étau. La lutte s’engage contre cette voix qui la traite de pute, de conne, de déchet de l’humanité. La haine d’elle-même l’engloutit comme un galet emporté par la force de la mer. Son souffle se fait lourd. Elle le crache chargé de violence et d’envie de détruire. Elle se sent submergée par un brouillard dense qui l’étouffe. Alors, elle tente de l’extraire d’elle-même. Elle dit les mots haineux de la voix qui parle en elle. Ces mots sortent d’elle mais ne la soulagent pas. De rage et d’impuissance, elle pleure à nouveau. Elle souhaite mourir et appelle l’ogre qui la délivrera de son cauchemar.

L’enfant

L’ogre au couteau lui rappelle quelque chose. Un endroit dans la maison. C’est le magasin, la pièce de l’ogre où défilent des clients venus se repaîtrent à bon marché de leur lot de cadavres animaux. Quand vient la nuit, les paroles de la journée se déposent, viennent le silence et les ténèbres glacées qui enveloppent les couteaux et la hache bien rangés et lavés de leur sang sur l’établis où se tient l’ogre durant le jour.
Elle est dans son lit. Elle a peur de l’ogre qui pourrait venir mais elle a aussi peur de s’endormir. Des êtres maléfiques l’attendent dans son sommeil. Toujours ce même rêve : elle est dans la cave, attachée à des chaînes comme un chien. Comme lui, elle geint. Elle se sent comme un déchet, sale, moins que rien. Il fait très sombre mais elle sent qu’elle n’est pas seule. Des ombres s’approchent doucement d’elle. Elle se réveille toujours avant de les voir et de savoir ce qu’ils lui veulent.
Son corps est tendu. Elle tourne et se retourne dans les draps. Elle guette le moindre bruit. Tout à l’heure, ce seront les pas de l’ogre qui monte l’escalier. Peut-être ce sera cette nuit qu’il l’emportera jusqu’à la pièce aux couteaux ? Là, il la couchera. Elle ne dira rien. Elle sera pétrifiée par la terreur. D’une de ses grosses mains, il la maintiendra et de l’autre, il choisira d’un œil expert le couteau le plus tranchant. Il y aura le son de la lame qui s’enfonce dans son corps. La douleur surgira mais elle le sait, elle sera aussi soulagée d’être délivrée de la peur, délivrée de la vie. Elle s’évanouira dans cette étrange impression et lui accomplira sa besogne d’ogre. Il la désossera et suspendra sa chair aux crochets du frigo. Le sacrifice sera accomplit.

jeudi 10 septembre 2009

Erotisme de l'enfance


Je me rappelle de ma première émotion érotique. Nous étions quelques petites filles réunies une après-midi d’été et nous jouions dans la chambre de l’une d’entre nous. Il y avait un coffre à déguisements dans laquelle nous puisions. Comment les autres s’étaient-elles habillées ? Je me souviens pour ma part de vêtements flous, genre crêpe de chine et par-dessus un petit tablier blanc. Avions-nous choisi le thème des maîtresses et soubrettes ? Il faisait chaud, nos tenues étaient légères et dans l’air vibrait une atmosphère électrique. Nous dansions en nous apportant des thés et des gâteaux, genre dînette, et rions en nous vautrant sur des tapis et matelas. Un souffle érotique s’est infiltré en nous. L’une d’entre nous a pris les commandes du jeu. Elle nous a enjoint de se coucher l’une au côté de l’autre, bien serrées. Emoustillées par cet ordre et par le contact de nos peaux, nous avons commencé à nous rouler l’une sur l’autre dans un glissando torride. Entrelacements de nos corps, évanouissement des contours. Prise de vertige, j’ai fermé les yeux. Mes joues et mon sexe étaient en feu. Effleurements des mains. Première jouissance. Je me souviens de ma joie de la découverte d’un tel plaisir possible. Du bien-être qui suivait.
Mais la honte s’est-elle immiscée entre nous ? Ce jeu nous était-il interdit? Je ne me souviens pas de comment nous nous sommes quittées lors de cette après-midi d’été. Jamais un mot n’a été dit entre nous de ce qui s’était passé. Jamais plus nous n’avons recommencé ce jeu. Pour ma part, cette découverte érotique a signé ma naissance au monde sensuel. Je n’ai ni remords, ni regrets, comme disait le beau Serge…

mardi 8 septembre 2009

Bodhicitta.

Tout à l’heure, j’assiste à la violence ordinaire, quotidienne, tolérée. Mais est-ce tolérable de voir une mère rabrouer son enfant avec des mots très durs alors qu’il ne faisait que jouer dans la file du supermarché ?
Je suis heurtée et j’en conclus qu’il s’agit là d’un exemple de la dramatique position du pouvoir de l’adulte vis-à-vis de l’enfant. Mon premier élan est de plaindre le petit, la victime, un peu trop vivant aux yeux de sa mère. Et de fustiger l’adulte, le bourreau. J’observe plus attentivement la mère et je perçois un stress immense et un mal-être qui déborde de sa jupe. Qui des deux est le plus à plaindre ? Cette femme est à bout de nerfs. Ses gestes sont brusques et saccadés. Son visage est crispé, ses yeux tendus.
Je me rappelle que l’agressivité est une peur et du souvenir très clair d’avoir pris conscience de ce lien me vient alors un espace dans le cœur qui embrasse la scène toute entière. Le fils, la mère et tant que j’y suis la vendeuse du supermarché, rivée toute la journée à sa caisse.
D’avoir inversé le réflexe de mon agressivité vis-à-vis de cette mère, le cercle de la violence s’est rompu. Bodhicitta.