Elle me regarde, ma Félicie. Nous sommes dans son dernier lieu de vie où elle attend la délivrance. Elle dit « J’en ai assez de cette vie. Je veux bien partir maintenant. » Elle s’excuse en riant un peu, pour déposer sur ce fardeau de mots une bulle de légèreté. Elle a baissé les yeux puis les lève à nouveau vers moi. Je vois ses yeux couleur d’eau de pluie, avec de la nacre autour, que la vieillesse a déposé. Le temps se dilate, s’apaise. Il se repose au creux de cette chambre où trônent des photos de ses deux amours, son mari et Jésus. Un flot de souvenirs entrent dans le fond du silence et nous berce. Je revois son sourire canaille lorsqu’elle me servait un petit verre de Martini, après la messe du dimanche. Un peu éméchées, nous dansions quelques pas en riant aux éclats. Je revois les charbons rouges vifs de son poêle dont la chaleur moelleuse nous enveloppait pendant que nous regardions la télévision. Je me souviens du steak qu’elle faisait trop cuire accompagné de salade croquante, fraîchement coupée du jardin, qu’elle partageait toujours avec joie, même si je débarquais à l’improviste. Sa mine douloureuse lorsqu’elle montrait ses genoux gonflés de rhumatismes. Les allées de gui où nous jouions à cache-cache pendant qu’elle ramassait ses patates sous la lumière d’été. Je goûte encore la douceur de sa peau douce comme une pêche mûre.
D’évoquer son souvenir fait remonter en moi toute l’affection que je lui porte.
Elle n’est pas dans mon arbre généalogique mais qu’ais-je pris de cette voisine qui était pour moi comme une tendre grand-mère? Il y a les mots qui marquent l’âme au fer rouge mais aussi ce qui se trame entre eux ou en leur absence. Ce sont les impressions qui font promettre à l’enfant « Un jour, je serai comme … » Son destin de solitude, je ne sais s’il s’est déposé en moi, comme une image au creux de mon cœur mais si ce pacte a existé, je le descelle à présent, tout doucement pour ne pas la brusquer.
Viennent ces mots pour elle « Je te vois, chère Félicie, je te porte dans mon cœur ».
1 commentaire:
Joies de l'endophorie euphorique ... :-) Merci pour ces perles de rosée émotionnelle ...
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