
L’obstacle est là, bien en face. Il est « ce que l’on ne veut pas », « ce qui ne devrait pas être », contre quoi on lutte, contre quoi on est impuissant. Un sentiment de claustrophobie s’empare du corps et de l’esprit. La confusion règne.
Que faire ?
La fuite, l’agression ou faire le mort sont les trois possibilités mises en lumière par Henri Laborit dans son fameux « Eloge de la fuite ».
L’agression est la colère contre l’obstacle ou contre soi : rancune, amertume, mutilations, suicide.
La fuite réelle ou imaginaire : démission, rupture, addictions diverses : drogues légales ou illégales, sexe, jeu, nourriture, travail à outrance, occupations divertissantes.
Faire le mort ou tirer la prise psychique : chagrin, résignation, dépression, désespoir.
Tous à un moment de notre vie rencontrons l’adversaire et subissons l’impuissance. Les trois modes de réaction sont très souvent explorés. Il en est pourtant un quatrième, paradoxal et plus exigeant : dans cette tension extrême, il s’agit de se détendre.
L’ego ne peut rien y faire : « détends-toi » dans la volonté, ça ne marche pas. L’exploration de la détente se fait en dedans de soi, dans une écoute sans intention, sans identification. La tension est là mais je ne suis pas elle.
Ressentir en dedans, ça risque de faire mal. Il y a là certainement une vieille souffrance de l’enfant qui a refoulé ses émotions lorsqu’il a vécu l’impuissance. Il aura plus ou moins bien passé le cap de la frustration et aura reçu ou pas, conseil et soutien émotionnels.
Se détendre signifie de reprendre contact avec un vieux truc souvent bien enfoui. Accepter d’être parfois profondément triste, ou en colère énormément contre soi, les autres et même Dieu, en vouloir à sa propre vie si désolante, si dégoûtante, n’est pas confortable. La tentation est grande de fuir à toutes jambes, de se distraire pour ne plus penser, de se refermer, ou d’agresser le monde entier.
Cette « descente » est jalonnée d’aller et retour. Le désir titille vers « autre chose », vers « s’en sortir » et souffle à nouveau à l’oreille que la vie devrait, pourrait, être plus légère, plus heureuse. Notre société nous offre tant de ces belles images. L’espoir se faufile d’y ressembler, mais non, la douleur est toujours là, et ne veux pas nous quitter.
Y rester demande beaucoup de forces intérieures, de résolution, de patience. Viendra la clarté de reconnaître l’épreuve comme riche d’enseignements. Elle permet le chemin vers le plus profond de soi, vers une réconciliation entre des parties adverses de soi-même.
Imperceptiblement, l’obstacle se transforme en cadeau. Il est toujours là mais notre regard sur lui a changé. Il est empreint de la bienveillance que nous avons maintenant pour nous-mêmes. Nous nous sommes vus faillible, vulnérable, et aussi fait de lumière. Au passage, peut-être sommes-nous devenus plus humble, plus tendre pour « l’autre » ?
Un beau jour, la beauté de la vie, sa bonté et sa générosité éclairent l’épreuve. L’obstacle est devenu l’ami et de la caverne du cœur jaillit un seul mot, le plus pur et le plus essentiel « merci ».