mardi 14 décembre 2010

Rencontre insolite d'un dimanche matin

Aujourd’hui j’ai fait une rencontre insolite en la vue d’un homme disons peu gâté par la nature. C’est une entourloupette pour être politiquement correcte, pour ne pas dire que du premier coup d’œil et de mon point de vue, je trouvais cet homme doté d'une laideur étonnante.
Nous sommes dimanche matin, il monte dans ma rue, un sac de course à la main. A moitié chauve, le visage grimaçant, petit, le corps malingre. A chaque pas, il claudique. Il porte une veste, sans style, noire un peu trop grande et un pantalon noir lui aussi, bien repassé dans les plis et un peu trop court, genre "eau dans les caves".
Il passe juste au moment où je sors de chez moi. Il tressaille, détourne le visage. Je lui emboîte le pas, fascinée, pour rejoindre ma voiture direction le boulot. Sa tête s’enfonce dans le col de son manteau. Il semble me craindre, comme s’il souffrait de mon regard posé sur lui. En ce dimanche, juste à l’ouverture du petit GB tout proche, peut-être a-t-il espéré ne croiser personne et surtout pas une femme dont il redoute le jugement ? Dans la rue déserte, je ne vois que lui.
Sa vue percute en moi des images de bête noire, de vieux chien qu’on maltraite, de "freak". A cet instant, simultanément, comme dans un film, au ralenti, ses doigts maigres se crispent sur son sac de course de plastique. Toujours au ralenti, je sens mon cœur s’ouvrir et je regrette immédiatement mon regard trop curieux. Bien sûr, peut-être cet homme est-il doté d'une beauté infinie à l’intérieur. Mais sa gêne exprime ce que je suppose être de la peur, comme s’il avait souhaité s’enfoncer sous terre et se soustraire à mon regard. Comme cela m’arrive aussi. En moi, des mots crient: "Je vous comprends, n'ayez crainte, comme vous je me sens parfois un "freak". On est pareil, je suis désolée pour ce jugement que j'ai porté sur vous."
Je ne dis rien, bien sûr, un mur de bienséance nous sépare...
Dans ma voiture, je suis émue, de compassion ou peut-être d'impuissance? Et je vibre de gratitude pour cette rencontre. En cette mâtinée qui avait débuté dans la mauvaise humeur d'une nouvelle nuit d’insomnie, cet homme m’avait, tel un réveil au cœur, rendue humble et sensible.

2 commentaires:

Zamok a dit…

Je me sens parfois cet homme caché. Et de te rencontrer si tôt alors m'aurait tout autant troublé. Par la sagesse infinie de tes tendres regards j'aurais aimé recevoir le baiser marital, pour que de mon corps crapeau renaisse le prince de lumière.

Nadj a dit…

Je te fais un bisou, joli crapaud!