lundi 7 décembre 2009

Initiation


Je me rappelle de la musique de mes treize ans. Mon grand frère veillait à mon éducation musicale, hors du hit parade sur RTL. Un an plus tôt, j’avais pleuré, désespérée, la mort impromptue de Claude François. Fin d’un chapitre. Grâce à ce grand frère, je découvrais Led Zeppelin, Deep Purple et surtout Pink Floyd. A mes fraîches oreilles, leur musique représentait un monde mystérieux, excitant et un peu dangereux.
Un jour, il voulut me parler. Il avait une mine plus réjouie que d’ordinaire. Il venait d’acheter deux billets de concerts pour « The Wall » à Londres! Je n’ai pas, tout de suite, réaliser la merveilleuse extravagance de ce projet. Il avait des amis à qui il aurait pu le proposer mais c’était moi qu’il avait choisi. Aujourd’hui, je réalise qu’il s’agissait d’un cadeau initiatique d’un grand frère de vingt-trois ans à sa petite sœur de treize.
Un beau soir, nous sommes partis à bord d’un ferry pour traverser la Manche. Un bus, rempli de garçons tous plus chevelus les uns que les autres, nous a d’abord conduit à Ostende, puis nous avons embarqués. La traversée a duré jusqu’au petit matin. Mon frère a été bien malade, je crois. Moi, j’ai essayé de trouver un coin où dormir.
Le lendemain, visite de Londres, Backerstreet entre autres, qui était le titre d’une chanson que nous aimions tous les deux. Nous avons aussi écumé de nombreux disquaires.
Enfin vint le soir et le concert tant attendu. Une salle immense, genre vingt mille personnes. Chacun sa place numérotée. En fait, plus qu’un concert, il s’agissait d’un spectacle. Le mur se construisait sur scène et la musique s’intégrait au sein de ce concert-concept: son et images. Ce fut magique et déroutant à la fois. Le volume sonore était très doux, très calme. De plus, nous devions rester bien assis. Question de cohérence: « The Wall » étant, entre autres, la dénonciation du fascisme de la rock star sur les foules fascinées, il était malvenu de reproduire ce qui était dénoncé. Moi, du haut de ma fougueuse jeunesse, j’avais parfois envie de me lever et de me trémousser. Et bien… pas ! Ceux qui tentaient le coup étaient gentiment rappeler « à l’ordre » par des vigiles. Atmosphère "grand messe du rock" un peu particulière…
Nous avons dormi dans un hôtel un peu crado et sommes repartis le lendemain. La traversée de retour se déroula au grand soleil, sur le pont du ferry. Je flottais comme dans un rêve. J’étais allée à Londres, avec mon grand frère et j’avais vu Pink Floyd! Je ne me souviens plus si je l’ai remercié. Plus tard, il m’a encore emmené, avec sa bande de copains et copines cette fois, à d’autres concerts. Il me transmettait sa passion, à sa façon, sans trop de mots, par l’expérience. Tout comme il l’avait fait lorsque j’étais plus petite lorsque nous allions dans les Fagnes pour guetter les animaux au lever du jour. Il était mon initiateur et j’étais son élue dans la famille. Longtemps encore, je le suis restée. Et puis plus, sans qu’aucun mot soit dit.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Arrivé sur ce blog par hasard, à la recherche des Fagnes, j'ai lu et apprécié !

Bonne continuation,

Gérard
Gaspé, Canada