Au côté d’une pub d’un parfum Dior, je lis dans « Marie-Claire » un article intitulé « Silence on meurt »: Des centaines de Birmans sont en train de mourir avec la bénédiction de la junte. « Les gens devraient apprendre à se nourrir tout seuls. Nous ne voulons pas que les étrangers nous voient comme un pays de mendiants » a déclaré un militaire aux volontaires birmans qui se pressent pour distribuer de la nourriture aux survivants du cyclone. Les rescapés ont dû retourner dans leurs villages dévastés, où seuls la faim et le désespoir les attendent.
Un autre article, toujours dans «Marie-Claire» dans la rubrique «Autour de nous» : Ce soir je brille ! www.brilleenville.com nouvelles émissions télés, expos, tournages et potins people, restos ou bars en vue, hit fashion ou citations classiques…de quoi épater la galerie lors du prochain dîner!
Le lien ?
Dictature politique ou dictature mondaine, même combat : dans les deux cas, ne se voir ou se vouloir que parfait. Mal sournois caché au plus profond du psychisme humain.
L'origine ?
Désir de combler le manque d’amour, d’attention et de reconnaissance. Dès l’enfance, nous construisons une image de nous-mêmes parfaite c'est-à-dire celle qui correspond au désir qu’ont nos parents à notre propos, mais aussi celle de l’école d’être sage et d'avoir de bons points. Plus tard celle du travail d’être productif, compétitif et soumis aux ordres, celle du conjoint d’être un bon partenaire et un bon parent et celles nombreuses de la société : être svelte, jeune, en bonne santé, dynamique, sociable, de belle apparence… Nous intégrons à tel point ce dressage que nous nous l’infligeons à nous-mêmes en permanence. Stress, dépression, addictions diverses, avidité de biens et de pouvoir forment un tampon pour amortir l’écart entre ce que nous pouvons être et l’inatteignable image parfaite. Et lorsque l’écart est insoutenable, le suicide est aussi possible… Je me souviens du Dalaï Lama qui s’était étonné de découvrir aux contacts des occidentaux combien nous pouvions nous haïr nous-mêmes.
Le chaman Don Miguel Ruiz dans «Les 4 accords toltèques» nomme ce désir de perfection « Le rêve de la Planète» mais il ressemble plutôt au cauchemar de la domestication. Il explique que dès que nous sommes en mesure de le faire, nous donnons notre accord aux différentes règles que l’on nous impose pour être conforme à l’idéal. Nous devenons de bons petits soldats qui obéissent aux règles sous peine de rejet, de sanctions voire de châtiments. Prendre conscience de ce formatage invisible car jamais dénoncé, est déjà un grand pas vers la libération. Un autre est de se donner d’autres accords comme ceux proposés dans les 4 accords toltèques: «Que votre parole soit juste. Quoiqu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle. Ne faites aucune supposition. Faites toujours de votre mieux.»
Chemin au long cours que celui de désapprendre …
Je me souviens…de mon désespoir d’enfant de n'être pas parfaite. Pourtant à la maison, je trimais. A l’école, j’étais obéissante et studieuse. Avec les gens du village, souriante et polie. A chaque instant sourdait en moi un grand désir de plaire et d'être reconnue. Tout mon être était tourné vers ce but afin de récolter sécurité et tendresse.
Mes parents avaient appris (ô merci l'esprit chrétien!) que de féliciter un enfant pouvait le gâter et le rendre paresseux ou de lui dire qu’il était beau de le rendre narcissique. Quant aux gestes tendres et aux mots d’amour, faute d'en avoir reçu eux-mêmes... handicap émotionnel (remboursé par la Sécu?). A leurs yeux, j'avais tout ce qu'il me fallait et même bien plus, vu leur vécu d'enfants de la guerre (on sait ce que c'est que la faim, nous !). Me plaindre ? J'aurais été bien ingrate. Me révolter, gare à mes fesses. Alors j'avalais ma tristesse et ma colère, qui tant d'années masquées, ont peu à peu empoisonné mon corps et mon psychisme. Aujourd'hui, je me libère enfin de ses poisons, petit à petit...ce que je peux...en essayant de ne pas m'en vouloir de cette relative lenteur car il faut bien de toute une vie pour réussir à s'aimer .
Histoire d’enfance banale du rêve de la Planète. Quelle est la vôtre ?
2 commentaires:
Joli, touchant, juste. Le style sonne toujours aussi bien, un petit peu plus râpeux, peut-être, parce que tu parles en souffrance ? La matière du style par ailleurs s'élargit, et les circonférences de ta pensée, dès lors, me semblent prendre de l'ampleur, pour inclure des réseaux de relations plus vastes, du personnel à l'universel. Bon, j'arrête, sinon tu risquerais d'en faire une affaire personnelle :-).
Merci pour ce délicat message, sensible et touchant... Ah mais aussi, faut que je fasse gaffe, s'agit de pas tomber dans le piège que je dénonce !
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