Chaque seconde m’engloutit. J’attends. A six ans, je devrai être couchée, en sécurité dans mon lit. Il est plus de minuit, pourtant je veille, bien incapable de faire autre chose que d’attendre le retour de mes parents du café où ils sont allés depuis de trop longues heures. Leur arrivée sera probablement fracassante, nimbée d’alcool et de violence. Mais alors je serai délivrée du charme qui me tient immobile à la fenêtre tel un scaphandre qui se balance au bout d’une corde au-dessus du vide. Pour l’instant, je ne suis que vide, abandon, souffrance. Je sanglote par soubresauts avec quelques larmes arides. Mon sentiment d’insécurité est intense au point que seuls reste leur absence et les lumières de la nuit sur la place du village que je regarde fixement. J’entrevois un instant le risque de la folie, de ne jamais revenir de la prostration dans laquelle je me raccroche comme à une barre de navire à la dérive. Je ne sais plus rien de qui je suis. J’ai la vague sensation de ne plus exister. Juste une prière en dedans comme un mantra qui transperce le silence : « Revenez s’il vous plaît. » Alors j’existerai à nouveau. Je reprendrai enfin pied dans le réel peu importe ce qu’il offre. Je percevrai à nouveau mon souffle. Je pourrai reprendre mes lancinantes et secrètes questions « Malgré tous mes efforts, pourquoi ne m’aimez-vous pas ? Ne suis-je pas aimable ? »
Du haut de mes six ans, ma vie ne tient qu’à ces invisibles fils.
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